à donner leur concours à tout gouvernement qui présenterait quelque garantie d’ordre et de paix. La terreur en province avait précipité le denoûment. Le directoire apparaissait comme une halte. Une révolution plus décisive était dans l’air. Le coup d’état du 18 brumaire trancha militairement le nœud gordien.
Lorsque, au lendemain du coup d’état, Bonaparte organisa le sénat, le corps législatif et le tribunal, il rechercha et accueillit de préférence les noms qui se rattachaient à la période de 1789, en déclarant bien haut qu’il entendait demeurer fidèle à la cause de la révolution. Personne alors n’apercevait derrière l’acte de brumaire l’ombre d’une restauration monarchique, ni la menace d’une ambition personnelle. Aussi les hommes les plus distingués de la constituante n’hésitèrent-ils pas à se rallier autour du chef politique qui les appelait en dépliant leur ancien drapeau. Frochot suivit en cela l’exemple de ses anciens collègues. Dans, la modestie de sa situation personnelle, il avait un titre particulier à l’attention du premier consul, qui, accueillant en lui l’ami de Mirabeau, le fit nommer d’abord au corps législatif, puis, en 1800, à la préfecture de la Seine.
Pour expliquer la conduite des anciens constituans qui prirent part au gouvernement issu du 18 brumaire, il suffit de se reporter aux témoignages écrits de cette époque et aux souvenirs directs que nous avons pu recueillir de la génération qui nous a précédés ; ces témoignages et ces souvenirs attestent à quel point la révolution qui mit fin au gouvernement débile du directoire était désirée et attendue. Si l’acte de brumaire doit échapper aux critiques de l’histoire, ce n’est point parce qu’il a réussi, car le succès n’est pas un titre ; ce n’est pas non plus parce qu’il fut ratifié par des millions de suffrages, car, d’après ce que nous avons vu à toutes les époques et dans tous les pays, il est permis à la raison, à la morale, à la justice, de ne point abdiquer devant les manifestations tumultueuses des scrutins populaires. Le coup d’état de brumaire puise sa justification dans le concours que lui donnèrent immédiatement ou dans un très bref délai la plupart des intelligences, des talens et des caractères qui formaient l’élite de la nation. Ces forces vives, que la terreur avait dispersées ou brisées, reparurent et s’employèrent presque toutes à la constitution du gouvernement nouveau. La France retrouvait à sa tête, dans l’état-major politique du consulat, les hommes qu’elle avait librement élus, dix années auparavant, pour la représenter à l’assemblée constituante : c’était là