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pour correspondre aux besoins de chaque contrée en s’adaptant aux relations établies. » Il ne saurait rester dans un pays quelconque plus d’espèces que celles qui se trouvent utilisées ; dépassez cette limite, et vous diminuez la puissance d’acquisition du numéraire ; il s’écoulera sur les marchés où il vaudra davantage, c’est-à-dire où il exercera une action plus large par l’achat. Ce mouvement se trouve nettement exprimé par le prix des effets à vue, qui reflète la situation de la place d’une manière précise et directe en dehors de toute autre influence.

La plus active et la plus constante de ces influences est, on ne saurait trop le répéter, le taux de l’escompte dans le pays sur lequel sont tirés les effets à échéance plus ou moins éloignée. Nous préférons nous servir ici de l’expression « escompte » au lieu d’employer, comme on le fait le plus souvent, le terme « intérêt. » Cette dernière dénomination s’applique d’une manière plus directe à une location prolongée, tandis que, si le capital conserve une disponibilité presque constante, s’il n’est avancé que pour peu de mois ou pour quelques semaines sur une lettre de change dont il effectue le paiement anticipé, il obtient une rémunération sous forme d’escompte. En s’attachant à cette distinction, l’on reconnaît facilement que des lois différentes régissent le taux de l’intérêt et celui de l’escompte. Tantôt le placement éphémère devient l’objet d’une préférence marquée, tantôt on aime mieux s’assurer un revenu constant par un placement durable. Dans des momens d’inquiétude, lorsque la confiance est ébranlée et qu’on ne fait presque de calculs que sur un espace de temps restreint, si les capitaux se présentent en abondance, sans vouloir courir les chances d’un engagement prolongé, le taux de l’escompte peut être bas, et le taux de l’intérêt, qui comprend les valeurs de placement, être élevé. On fait entrer en ligne de compte non-seulement le terme, mais la forme sous laquelle on rentrera dans la somme aliénée. L’escompte assure un paiement rapproché et intégral ; l’intérêt, l’arrérage, le dividende, qui équivalent à l’intérêt, tout en procurant un avantage marqué, exposent à une perte sur le capital placé au moment où l’on voudra le réaliser. Il arrive donc, et nombre de pays en ont fait l’expérience récente, que le taux de l’escompte s’affaisse, tandis que le taux de l’intérêt monte, quand il ne demeure pas stationnaire. La célèbre maxime de Turgot ne doit être appliquée qu’avec cette réserve ; c’est seulement lorsqu’il s’agit de placemens à long terme que l’on peut regarder la baisse du taux de l’intérêt comme un signe et un levier de la prospérité publique, et encore ne faut-il pas s’en rapporter d’une manière trop absolue aux indications d’un pareil thermomètre. La réduction du taux de l’intérêt peut venir aussi bien