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les récompenses de l’Académie des sciences morales et politiques, vient de consacrer à la question du change un livre dont les conclusions et les tendances ne nous paraissent pas toujours irréprochables, mais qui contient sur le mécanisme du change et l’histoire des variations qui en ont affecté les cours dans les divers pays des données précieuses, patiemment et consciencieusement recueillies. M. Juglar se plaint aussi de ce qu’on néglige l’étude des changes étrangers, au risque de laisser ainsi de côté l’influence capitale qui signale et qui gouverne le mouvement des affaires. D’où vient cet oubli ? D’abord on a voulu ne voir dans l’importance attachée aux mouvemens du change qu’un reflet du système mercantile et des erreurs de la balance du commerce. Ceux qui ont commis une aussi étrange méprise ont seulement prouvé qu’ils s’attachaient eux-mêmes à des formes vieillies, et ne savaient pas tenir compte de la modification profonde survenue dans les rapports internationaux. Il s’agit non plus de rechercher dans le cours du change les simples indices de la balance du commerce entre les divers pays, mais de s’en servir comme d’un baromètre certain pour connaître l’état du marché financier, la solidité du crédit, l’influence du taux de l’intérêt, la situation de la circulation, la sécurité et le sens vrai des paiemens effectués. Le jargon baroque dont on se servait jadis pour dérouter l’avidité spoliatrice du fisc ou la rigueur aveugle de mauvaises lois a pu aussi faire dédaigner à beaucoup de gens la connaissance de faits dont la gravité n’apparaissait pas clairement sous les explications peu attrayantes qu’on en donnait. Si, au lieu de se laisser rebuter par l’apparence, on applique à cette étude une analyse attentive et pénétrante, on arrive à constater l’existence de lois régulières bien définies, entraînant des conséquences aussi importantes qu’inévitables. Tel a été le mérite de M. Goschen, et voilà ce qui donne à son livre un caractère saillant d’originalité et d’utilité. Profondément versé dans la pratique des affaires aussi bien que dans la connaissance des doctrines économiques, il a su éviter les termes mystérieux ; il a traduit en style parfaitement clair des principes qui par eux-mêmes ne présentent rien d’obscur. Maître de sa pensée, il a expliqué dans un langage net et précis des transactions qui semblaient entourées d’un voile impénétrable.

La difficulté n’est point de comprendre les principes du change : dès qu’on les dégage des formules cabalistiques et qu’on les traduit en idiome vulgaire, ils ressemblent à des axiomes ; mais il fallait faire la lumière en écartant les embarras d’un attirail vieilli et rébarbatif, il fallait ouvrir un large horizon à la pensée en dissipant les nuages qui l’obstruaient. M. Goschen y a merveilleusement réussi : il a fait plus, il a su changer une matière réputée aride