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de septembre ne furent-ils signalés par aucun indice inquiétant, et l’Europe semblait entrer décidément dans une phase d’apaisement général. La France publiait une histoire de Jules César, et, doutant déjà quelque peu de son essai d’empire latin au Mexique, étudiait en Algérie les moyens d’y relever un royaume arabe ; l’Italie était tout absorbée dans un travail d’emprunt laborieux, et M. de Bismarck lui-même ne faisait parler de lui qu’au sujet de l’étrange réparation par les armes qu’il voulait imposer de toute force au bon docteur Virchow, le très savant et très pacifique inventeur de la trichine. La sécurité ne fut cependant qu’apparente et trompeuse, car il y avait toujours par le monde une question de Slesvig-Holstein. On l’apprit tout à coup au mois de juillet 1865.

C’était au nom de la confédération germanique que l’Autriche et la Prusse avaient « pris en leurs mains l’exécution fédérale contre le Danemark » vers la fin de 1863 ; c’était au nom du Bund et pour la défense de ses droits qu’elles avaient fait la guerre au roi Christian IX et « délivré » le Slesvig-Holstein : c’était donc au Bund qu’elles devaient laisser le règlement définitif du sort des duchés. Aussi l’Autriche s’inclinait-elle devant la compétence de la confédération germanique et ne demandait-elle pas mieux que de reconnaître le protégé de cette confédération, le prince Frédéric Augustenbourg, comme le souverain légitime des pays de l’Elbe. Ce personnage médiocrement intéressant, ce Disgustenbourg, comme on disait en 1864 dans les salons de Londres, et dont le nom rappellera toujours une grande félonie et une grosse somme de rixdalers indûment encaissée, n’en était pas moins « l’agnat » préconisé de longue date par les zélateurs du slesvig-holsteinisme, le « prince héréditaire, » le prétendant en effet le plus sérieux ou du moins le plus inoffensif à la succession des duchés, une fois que les droits sacrés et séculaires du Danemark étaient mis à néant. Ainsi l’avaient proclamé de tout temps les états secondaires, les législateurs du Bund, les peuples de l’Allemagne, les peuples des duchés ; ainsi l’avait même proclamé un jour, et dans la circonstance la plus solennelle, un homme compétent entre tous, M. de Bismarck-Schœnhausen lui-même. Sommé un jour par la conférence de Londres de formuler ses exigences, M. de Bismarck avait présenté à la sixième réunion de cette conférence, et conjointement avec l’Autriche, une déclaration péremptoire qui demandait u la réunion des duchés de Slesvig et de Holstein en un seul état sous la souveraineté du prince héréditaire de Slesvig-Holstein-Sonderbourg-Augustenbourg. » Et M. de Bismarck avait eu soin d’ajouter dans la même déclaration que ce prince « pouvait non-seulement faire valoir aux yeux de l’Allemagne le plus de droits à la