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l’Italie devrait cultiver avec soin, que la France, elle aussi, ferait bien de surveiller, de stimuler, de manier, en plaçant auprès de lui un agent capable, un diplomate de la nouvelle école, au fait des besoins du siècle et des aspirations nationales. La légation de Berlin fut érigée en ambassade.

Les dates et les noms présentent ici un intérêt saisissant. Ce fut le 15 septembre que MM. Pepoli et Nigra signèrent la convention au sujet de Rome. Le mois suivant, M. de Bismarck visitait la France, et dans l’intervalle le roi Victor-Emmanuel avait déjà placé (23 septembre) à la tête de son gouvernement le général Alphonse de La Marmora, dont la « prussomanie » était de l’autre côté des Alpes aussi proverbiale que le fut « l’anglomanie » de M. de Cavour. Le 7 octobre, un décret impérial rappelait de sa retraite et nommait ambassadeur à Berlin M. Benedetti. A une distance de temps plus longue quittait également sa retraite et venait prendre place dans le cabinet français un autre disgracié de l’incident Durando, celui-là même qui plus tard, et la pièce une fois jouée, devait prononcer le plaudite classique et écrire la fameuse circulaire sur le bonheur des grandes agglomérations et la disparition providentielle des petits états. Chose curieuse ! à cette époque, rien assurément n’était encore arrêté ; les projets étaient vagues et fuyans, « écrits sur l’onde et la nue, » pour parler avec le poète anglais, le grand drame de l’avenir n’était pas même ébauché, et déjà cependant tous les futurs acteurs se trouvaient à leurs postes ! Il en coûta sans doute à M. Drouyn de Lhuys d’accepter pour collègue M. de Lavalette, qui ne faisait mystère de son envie de lui prendre son département ; il lui en coûta encore plus probablement de se laisser imposer comme agent principal un adversaire aussi déclara que M. Benedetti. Deux ans plus tard, après Sadowa, et le jour même où il abandonnait son portefeuille, le même ministre devait encore contre-signer un autre décret qui élevait M. Benedetti à la dignité de grand’croix. Qui sait cependant si, dans la pensée de M. Drouyn de Lhuys, cette seconde signature n’était pas destinée à le venger quelque peu de la première ? En effet, ce fut peut-être un trait d’esprit, un trait de Parthe, de distinguer si hautement un agent pour n’avoir que trop bien servi une politique dont, pour soi-même, on répudiait non moins hautement la responsabilité.


II

Au mois d’octobre 1860, après Castelfidardo et la conquête du royaume de Naples, le comte Brassier de Saint-Simon, envoyé de sa majesté le roi de Prusse près la cour de Turin, vint lire à M. de