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non-intervention dans toute sa rigueur : la France cesserait d’occuper Rome, et l’Italie s’engagerait à son tour à ne pas intervenir elle-même ni à permettre aux bandes révolutionnaires d’intervenir dans les états pontificaux ; le pape et ses sujets seraient laissés seuls en présence. Dans une circulaire datée du 10 septembre 1862, le général Durando, alors ministre des affaires, étrangères à Turin, insistait en des termes très énergiques sur l’urgence d’une solution, et allait même jusqu’à exprimer l’espoir « que les nations catholiques, la France surtout, reconnaîtraient le danger de maintenir plus longtemps entre l’Italie et la papauté un antagonisme dont la seule cause réside dans le pouvoir temporel. » M. Thouvenel plaida chaleureusement en faveur du projet italien « de non-intervention ; » M. Benedetti, de Turin, et M. de Lavalette, de Rome, en recommandèrent avec force l’adoption. L’empereur Napoléon III hésita : une véritable crise ministérielle s’ensuivit ; elle se dénoua par la démission de M. Thouvenel et l’arrivée aux affaires de M. Drouyn de Lhuys (15 octobre 1862). Ce fut le nouveau ministre qui se chargea de répondre à la circulaire italienne, et il tint dans cette circonstance un langage très catégorique. « M. le général Durando, écrivit-il le 26 octobre au comte de Massignac à Turin, après avoir rappelé la répression de la tentative de Garibaldi, s’approprie son programme et réclame la dépossession du saint-père. En présence de cette revendication péremptoire, toute discussion me paraît inutile, et toute tentative de transaction illusoire. »

Du reste ce ne fut pas seulement à l’égard de l’Italie, que le gouvernement français prit, vers la fin de cette année 1862, des allures réservées taxées de réactionnaires par les uns, de régulières par les autres : il résolut d’imprimer le même caractère, à tout l’ensemble de ses relations extérieures. Le second ministère de M. Drouyn de Lhuys s’annonçait partout comme un ministère de conciliation, d’apaisement et de conservation ; en même temps que M. Thouvenel se retiraient de la scène politique les deux hommes qui, dans le personnel des affaires étrangères, représentaient le parti de l’action, s’il est permis de s’exprimer ainsi, M. Benedetti et M. de Lavalette. L’administration précédente, à l’hôtel du quai d’Orsay, avait trahi un penchant fort marqué pour la Russie. Suspect à Vienne à cause de ses sympathies italiennes, peu goûté à Londres, où l’on ne lui pardonnait pas l’annexion de la Savoie, M. Thouvenel n’avait guère été pleinement agréé qu’à Saint-Pétersbourg, et avait tenu d’autant plus à y paraître agréable. On exagérait à coup sûr la portée de cette attitude, et il est difficile d’admettre que l’auteur des remarquables dépêches françaises pendant la crise orientale eût sérieusement songé à sacrifier au prince