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d’observations que je ne répéterai pas, fit aussitôt une grande fortune ; mais au moment où elle se produisit, Francis était plein de vie. Elle devait donc être un événement pour lui. La presse la commenta ; Brougham dans la Revue d’Edimbourg la discuta et s’y rendit. Elle devint le sujet des conversations. Quelle fut l’attitude de Francis ? Il parut éviter de s’expliquer ; il se retira du monde et rompit une partie de ses relations. Gêné et soucieux, il tenait plus que jamais les gens à distance, semblait redouter les questions et les décourager par sa hautaine froideur. Il détournait, il abrégeait les entretiens qui pouvaient l’amener à s’expliquer. On ne parvint point à lui arracher un aveu formel pas plus qu’une dénégation catégorique. Forcé une fois de répondre à la sommation d’un journaliste qui lui écrivit, il dit d’un ton d’humeur et de dédain que c’était une sotte fausseté ; mais il est convenu lui-même avec lady Francis que ce n’était pas là un véritable démenti, et, sans pourtant lui permettre une interrogation directe, il lui a donné par nombre d’allusions et de sous-entendus dont elle a rendu compte, et il a laissé à sa famille la persuasion qu’il voulait que son secret fût deviné et ne jamais le dire.

Il est mort sans avoir parlé. Aucun des signes prévus que l’on attendait après lui n’a paru. Aucune déclaration posthume, testament, lettre, papier confidentiel, n’a confirmé l’hypothèse qui le concernait. Elle avait toujours été contestée, elle l’a été bientôt davantage. Le temps ne lui a pas été favorable. Les objections et les doutes ont balancé dans une partie du public la conviction de Brougham et de Mackintosh, de lord Macaulay et de lord Stanhope. La Quarlerly Review a persisté à récuser les démonstrations de la Revue d’Edimbourg. Tout est resté dans un demi-jour suffisant, je crois, pour se conduire ; mais enfin, la pleine lumière ne s’est pas faite.

Obligé de me prononcer, je me prononcerais pour Francis. Cependant je crois bon de montrer combien, en l’absence de preuve directe et formelle, il est difficile de résoudre cette obscure question et à quelles singulières épreuves est soumise la méthode de raisonnement qu’il faut nécessairement employer pour arriver à conclure quelque chose. D’abord des deux circonstances alléguées comme fondamentales aucune n’est en fait clairement avérée. Commençons par la disgrâce de D’Oyly. On en ignore les circonstances et les motifs. Il était depuis dix ans secrétaire délégué. On voit par une de ses lettres qu’un refroidissement était survenu entre son chef et lui. La cause en est inconnue. Sa place est aussitôt offerte à Francis, qui la refuse et qui annonce à ses amis, sans aucune critique, la nomination de Charnier. Cependant il se retire bientôt lui-même en