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dangers que court celui-ci et l’impossibilité où il est de se faire jamais connaître ; mais peut-être trouvera-t-on plus significatifs qu’ils ne le paraissent à M. Hayward les passages qu’on va lire. L’année suivante, Home Tooke, qui s’est rendu diversement célèbre par son savoir, par son esprit et par les variations insidieuses de sa politique et de son caractère, après avoir été lié d’amitié et de conduite avec Wilkes, avait rompu l’alliance et divisé la société réformiste du Bill des droits, dont ils étaient tous deux les membres influens. Il en était venu à soutenir dans la Cité le ministère contre l’opposition. Ses attaques contre lord Chatham et Wilkes, que Junius défendait, lui attirèrent quelques traits d’une méprisante ironie. De là une polémique à laquelle Junius mit fin par une lettre souvent citée du 13 août 1771. En l’envoyant à l’imprimeur, il lui écrit : « Si M. Horne répond bien à cette lettre et pertinemment, il sera mon grand Apollon. » Or que dit Francis dans sa correspondance privée de cette polémique ? Que dès les premiers mots Junius a donné à Horne la plus sévère leçon, et il vante le coup d’état ou plutôt le tour d’adresse par lequel Junius a rendu Horne complice et même auteur de la publication de la lettre où il l’accable et qui peut être poursuivie pour libelle. Quant à la lettre du 13 août, voici ce qu’il écrit à un intime ami sept jours après : « Junius et Wilkes paraissent faire cause commune. Le pauvre Horne est bâtonné jusqu’à crier merci. Il n’y a jamais eu lettre pareille à celle dont Junius l’a gratifié. Tout le monde tombe d’accord que c’est son chef-d’œuvre, et maintenant j’espère que nous n’entendrons plus jamais parler d’eux. » Et en effet Junius arrêta là cette querelle épisodique, et l’on voit qu’il pensait comme Francis qu’à sa dernière lettre il n’y avait rien à répondre. Voilà, je crois, tout ce que la correspondance particulière de Francis contient d’expressément relatif à Junius, Il faut convenir que cela ne prouve rien, si ce n’est une même appréciation des mêmes faits qui n’est pourtant pas indifférente. Le public, qui n’en soupçonnait rien, restait dans son ignorance et sa curiosité. Il n’en fut point délivré lorsque, le 21 janvier 1772, Junius écrivit sa dernière lettre.

Le même jour, la Gazette officielle annonça que lord Barrington, secrétaire de la guerre, avait nommé Anthony Charnier pour son délégué. On a vu que cette place, qui rapportait quatre cents livres sterling, était occupée depuis neuf ans par Christophe D’Oyly. Celui-ci avait, un mois auparavant, donné sa démission à la suite de quelque mécontentement inexpliqué. Son emploi fut aussitôt offert avec un empressement obligeant à Francis, qui refusa, ne voulant pas apparemment profiter de la disgrâce d’un ami. Il n’avait d’ailleurs, écrit-il à sa femme, aucune solide raison de prévoir ou