Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/342

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’auteur du traité ; mais sa situation l’obligeait à garder son opposition pour lui, et Bute était encore ministre lorsque, grâce à son protecteur Wood, il fut nommé premier commis de la guerre en même temps que Christophe D’Oyly, premier commis comme lui et choisi par Welbore EUis, secrétaire de la guerre, pour son délégué[1]. Une intime union se forma entre les deux collègues.

Francis disait à sa seconde femme, dans les derniers temps de sa vie, qu’il ne se rappelait pas une époque où il n’eût pas écrit, écrit pour le public. Cependant sa première publication connue est du 2 mars 1763. Il prit part dans le Public Ledger à quelque controverse dont le théâtre était l’objet, et devint bientôt un des correspondans anonymes ou pseudonymes du Public Advertiser, dont l’imprimeur Sampson Woodfall, son camarade d’école, était propriétaire. Il ne paraît pas certain qu’il ait renoué directement avec lui, ou du moins qu’il se soit fait reconnaître de lui comme journaliste. Il lui envoyait secrètement des lettres ou des articles signés de noms divers, mais visiblement de la même main.

M. Parkes a mis beaucoup de soin à restituer à Francis toute une série de publications sous des noms d’emprunt qui parurent séparément ou dans les journaux depuis le mois d’août 1766 jusqu’en mai 1768, c’est-à-dire depuis les premières condamnations obtenues par le gouvernement contre le fameux numéro 45 du North Briton, publié par Wilkes, jusqu’aux émeutes ensanglantées par la répression qui suivirent son élection triomphante dans le comté de Middlesex. J’ai raconté ailleurs ces luttes mémorables dans l’histoire de la liberté politique, et montré comment des questions de procédure constitutionnelle peuvent passionner un peuple entier, et les violences de l’esprit de parti, tant dans l’opposition que dans le pouvoir, servir après quelque temps à la manifestation et à la victoire du droit.

Les agitations provoquées par l’utile audace de Wilkes furent bientôt accompagnées de celles qu’excita dans les esprits la question de la taxation des colonies américaines. Peu d’époques ont donc été plus fécondes en débats où se déploient l’esprit public et la presse libre. Si, comme on n’en peut douter, Francis avait la vocation d’écrivain politique, il dut la sentir alors ou jamais s’éveiller en lui, et nous sommes prêt à reconnaître la vraisemblance et parfois l’évidence des nombreuses attributions que lui fait M. Parkes

  1. Je traduis ainsi le mot de deputy, titre du suppléant que le secrétaire de la guerre ainsi que les titulaires de quelques autres fonctions se choisissaient pour lui déléguer les détails secondaires des affaires. Welbore Ellis, plus tard lord Mendip, était secrétaire de la guerre ou à la guerre, at war, titre très inférieur à celui de secrétaire d’état et qui ne donnait pas de droit l’entrée dans le conseil des ministres.