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de la France restera forte, et la paix n’en sera pas moins assurée.

Il ne m’appartient pas de rechercher ici quelles peuvent ou doivent être ces conditions et ces garanties ; c’est uniquement du but précis et du caractère dominant de la politique française que je m’occupe, non des mesures accessoires et accidentelles qu’elle peut admettre sans en être dénaturée ou obscurcie.

Par quel procédé et dans quelle mesure le gouvernement français peut-il manifester efficacement et convenablement son parti-pris pour la politique de la paix ?

On a souvent parlé d’un congrès et de la question de la paix remise à une délibération européenne. Je ne crois ce procédé ni efficace pour la solution de la question, ni convenable pour la France. Les congrès sont bons pour régler les résultats du passé, non pour déterminer l’avenir. Quand de longues luttes militaires et diplomatiques ont amené entre divers états des rapports et des faits nouveaux, mais accomplis, et quand ces états sont, tous ou la plupart, décidés, comme on dit familièrement, à en finir en réglant, dans ses conséquences acquises et par des transactions mutuelles, la situation nouvelle qu’ils reconnaissent tous, alors les congrès sont naturels et utiles. Tels ont été en Europe à trois époques bien différentes les congrès de Munster, d’Utrecht et de Vienne ; mais, quand il s’agit d’une question d’avenir et de la conduite de tel ou tel état dans une situation incertaine et pour un intérêt suprême, les congrès sont vains, et ne servent qu’à envenimer les causes de désordre et de lutte. Ce n’est pas à un congrès qu’il appartient de décider si et pour combien d’années la Prusse cessera d’être ambitieuse et conquérante, et si l’extension actuelle de la puissance de la Prusse est pour la France un motif légitime et suffisant de guerre. C’est à chaque état de résoudre lui-même et lui seul de tels problèmes. Le gouvernement français ne saurait soumettre à une délibération européenne celui dont il est aujourd’hui justement préoccupé ; c’est à lui de savoir si, dans le nouvel état de l’Europe, il croit la paix possible et probable, et si, pour son compte et dans l’intérêt bien entendu de la France, il lui convient de la maintenir. C’est par un acte propre, spontané et dépendant de son seul pouvoir qu’il doit manifester à cet égard sa pensée et sa résolution.

Qu’avant d’accomplir cet acte, avant de déclarer son intention de mettre l’état militaire de la France sur le pied de paix, il sonde soigneusement les dispositions des autres grandes puissances et s’assure qu’elles croient, comme lui, la paix possible et probable, qu’elles ont, comme lui, le dessein de la maintenir, et qu’elles entreront dans la voie qu’il ouvre, soit en prenant elles-mêmes, soit en pressant leurs amis de prendre des mesures analogues à celle