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lui-même a confiance dans ses résolutions, dans les raisons qui les lui inspirent et dans les résultats qu’il en attend.

Il n’y a qu’un acte qui, dans l’état actuel des affaires européennes, soit sérieux, significatif et efficace : c’est le parti pris par le gouvernement de mettre les forces militaires de la France sur le pied de paix. Je préfère cette expression, le pied de paix, à celle de désarmement, parce qu’elle est plus vraie, et parce qu’elle affirme nettement la politique de la paix sans lui donner aucun air de faiblesse et sans exclure aucune des preuves ni des garanties de force qu’un grand pays comme la France doit conserver au sein même de la paix, et qui varient selon les circonstances du présent, et les chances de l’avenir.

En 1840, lorsque, après un grave échec de notre politique en Orient, le roi Louis-Philippe me fit l’honneur de me rappeler de l’ambassade de Londres pour me confier, dans le cabinet du 29 octobre, le ministère des affaires étrangères, ce fut au nom de la paix et pour la conserver, malgré les difficultés et les périls dont elle était menacée, que le nouveau cabinet se forma et que j’y acceptai la direction de la politique extérieure. Mais en proclamant tout haut, en pratiquant effectivement cette politique, nous n’hésitâmes point, non-seulement à maintenir, mais à accomplir les principales mesures de prévoyance et de force que le cabinet précédent avait adoptées dans la perspective de la guerre : les fortifications de Paris furent défendues dans un solennel débat contre leurs adversaires et complètement exécutées ; d’autres mesures, qui avaient pour objet soit la sûreté d’autres places, soit le bon état de l’armée, furent également exécutées. Le pied de paix militaire de la France fut ainsi placé au niveau de l’état de ses relations avec l’Europe, et pourtant non-seulement la paix européenne fut maintenue, mais la confiance dans la paix fut promptement rétablie en France et en Europe ; les plus inquiets au dedans, les plus méfians au dehors, n’eurent aucun doute sur la résolution du gouvernement français, sur l’efficacité comme sur la sincérité de cette résolution. Quand les. actes ont un caractère sérieux, cohérent et décisif, les hommes ne tardent pas à le reconnaître et à se conduire eux-mêmes en raison d’une politique à laquelle ils croient. Que le gouvernement impérial adopte la politique de la paix décidément, hautement, avec conséquence dans ses actes comme dans ses paroles, et de telle sorte que, ni en France ni en Europe, les hommes d’intelligence et de sens ne puissent à ce sujet rester incertains ; il pourra mettre alors à notre établissement militaire sur le pied de paix les conditions et les garanties correspondantes à l’état actuel dès affaires européennes, personne ne s’en étonnera ; l’attitude