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déclarée avec le parti libéral prussien, hautain dans son langage, souvent arbitraire et violent dans ses actes envers ses adversaires ; il s’est modéré ; il n’est pas devenu un libéral populaire, mais il a été réservé, tranquille, quelquefois impartial et conciliant envers l’opposition libérale. Je ne sais ce qu’il fera dans l’avenir : c’est évidemment une nature ardente, hardie, ambitieuse, impétueuse ; mais depuis qu’il est puissant, il s’est montré capable de mesure, de prudence, de patience. J’incline à croire qu’il comprend qu’aujourd’hui, pour lui-même comme pour son pays, l’heure est venue d’adopter les procédés et de déployer les mérites d’un gouvernement régulier, et qu’il ne se lancera pas légèrement dans de nouveaux hasards.

Soit que je considère les faits généraux ou les faits personnels, la situation des peuples ou le caractère des princes et de leurs ministres, je ne vois nulle part que les passions et les chances de la guerre dominent ; je reconnais partout la prépondérance des sentimens, des intérêts et des instincts de la paix.


VIII

Je reviens à mon point de départ. D’où provient donc parmi nous le fait que j’ai signalé d’abord ? Pourquoi cette inquiétude générale et obstinée des esprits et des intérêts ? A quoi tient cette extrême difficulté de croire à la paix quand, chez nous et autour de nous, tout semble, je ne dis pas seulement la conseiller, mais la rendre aussi probable que salutaire ?

L’indécision réelle pu apparente du pouvoir est la cause, la vraie cause du mal. Je dis l’indécision réelle ou apparente, car l’apparence de l’indécision produit les mêmes effets que la réalité. Après ce qui s’est passé naguère en Europe et en présence des questions soulevées et pendantes, il faut une politique, une politique décidée et claire. Le gouvernement impérial n’a point de politique ; il a du moins l’air de n’en point avoir et d’attendre ce qui arrivera pour savoir ce qu’il pense et ce qu’il fera.

Que son embarras et son indécision aient pour première cause ses fautes dans le cours des récens événemens, cela est certain : il a eu tort de ne pas prévenir, de concert avec l’Angleterre, la guerre de Danemark ; il a eu tort de laisser aller, comme il l’a fait, la guerre entre la Prusse et l’Autriche, se montrant bienveillant et encourageant tour à tour pour l’une et l’autre des deux puissances, et sans doute attendant que les alternatives et la fatigue de leur lutte prolongée lui ouvrissent à lui-même un beau champ de