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c’était son intérêt évident comme son droit ; mais maintenant que toutes les questions entre l’Italie et l’Autriche sont vidées, si dans une guerre entre la France et la Prusse, pour une question uniquement allemande, l’Italie se faisait l’alliée de la Prusse, ce ne serait pas seulement au plus simple devoir de reconnaissance, ce serait à son intérêt le plus clair et le plus pressant qu’elle manquerait ; elle n’est pas si bien pacifiée et affermie qu’elle puisse affronter toutes les chances. Sans doute elle pourrait inspirer à la France quelque inquiétude et lui imposer quelque effort de plus ; mais elle s’exposerait elle-même à toutes les crises, à tous les périls qu’il serait si aisé à la France de lui susciter. Je ne dis rien des dissentimens qui s’élèveraient, sur une telle conduite, dans le sein du gouvernement et dû peuple italiens eux-mêmes ; ce qui se passe en ce moment à propos du langage de M. d’Usedom et du général La Marmora en dit plus que je ne pourrais ajouter. Roi ou peuple, membres du parlement ou simples citoyens, ministres ou opposition, les Italiens sont trop intelligens et trop prudens pour ne pas savoir que, s’ils peuvent trouver que la France n’est pas toujours pour eux un ami assez complaisant, ils ne pourraient, sans tout oublier et tout compromettre, le passé et l’avenir, se ranger parmi ses ennemis. La Prusse de son côté se tromperait fort, si elle se croyait sûre de les avoir pour alliés.


VI

La Russie est depuis longtemps, par les liens de famille comme par des motifs politiques, l’alliée de la Prusse, et, s’il faut en croire les propos diplomatiques et les bruits des journaux, jamais l’alliance entre les deux cours n’a été plus près d’être ou de devenir intime. La Russie est en même temps, comme la Prusse, une puissance ambitieuse et belliqueuse : à des titres divers, de race, de voisinage, de religion, de commerce, elle aspire à des conquêtes considérables, dans la voie desquelles elle a déjà fait depuis plus d’un siècle de notables progrès. Elle est de plus à l’âge de l’ambition dans la vie des peuples, déjà forte et encore jeune, déjà éprise de la civilisation des grands peuples européens, quoiqu’encore fort arriérée à leur suite. Elle a à sa tête un souverain unique, à la fois politique et religieux, qui gouverne un peuple immense, non-seulement encore docile et peu exigeant en fait de bien-être et de liberté, mais respectueux, affectueux, dur aux épreuves et capable de dévoûment, quoique de jour en jour moins étranger aux idées et aux désirs des temps modernes. Ce sont là