Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fois déjà il a été, pour le gouvernement prussien et pour M. de Bismarck en particulier, un sérieux embarras ; il est et sera nécessairement un frein au parti de la guerre, qui a besoin d’un pouvoir peu surveillé et peu contesté pour marcher rapidement et avec confiance dans sa voie.

La domination prussienne n’est pas d’ailleurs si goûtée et si bien établie dans toutes ses récentes conquêtes qu’elle n’ait pas besoin de modération et de temps pour s’y affermir. Il y a loin de la Prusse prenant violemment possession de la petite république municipale de Francfort, contre le vœu prononcé des habitans, à l’Angleterre restituant aux Iles-Ioniennes leur indépendance. Le roi Guillaume et ses conseillers seraient étrangement imprévoyans, s’ils oubliaient qu’aux dangers d’une nouvelle guerre pourrait s’ajouter pour eux le mauvais vouloir de quelques-uns de leurs nouveaux sujets.

Je ne dis rien du rôle de l’Autriche en pareil cas : l’Autriche a certainement grand besoin de la paix, et ne prendrait pas légèrement la résolution d’en sortir. Il pourrait cependant lui venir, en cas de guerre, des excitations et des tentations qui ne seraient pas sans effet, et qui imposeraient à la Prusse un grave surcroit de péril et d’effort.

Quels alliés pourrait se promettre la Prusse, si elle tentait une nouvelle guerre d’ambition et de conquête ? Je rencontre ici deux questions que je ne veux pas éluder.


V

Je n’ai nul goût à parler de l’Italie. Il n’y a guère de spectacle plus douloureux que celui d’un noble peuple compromettant et gâtant une bonne cause. Si l’Italie avait concentré ses efforts sur deux buts, tous deux naturels et légitimes, l’expulsion de toute domination étrangère et l’établissement d’un régime libre dans ses états, la tâche aurait été encore bien grande ; mais avec l’appui militaire et politique de la France l’Italie y aurait probablement réussi : elle aurait échappé du moins aux-problèmes, aux complications, aux hostilités et aux périls qui pèsent aujourd’hui sur elle. Je ne veux exprimer sur l’état présent et l’avenir de l’Italie ni mes regrets, ni mes inquiétudes, et je n’ai que peu de mots à dire sur les chances de sa situation dans le cas où une guerre nouvelle éclaterait en Europe, avec la France et la Prusse pour principaux acteurs.

Que dans la guerre entre la Prusse et l’Autriche l’Italie ait pris parti pour la Prusse, personne n’a pu s’en étonner ni s’en plaindre :