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la France s’est de plus en plus convaincue non-seulement que la paix est l’état normal des sociétés civilisées, mais que, pour nous en particulier, avec notre récente histoire et dans l’état général de l’Europe, la paix est le gage de. la liberté au dedans et de l’influence au dehors, aussi bien que de la prospérité matérielle et du bien-être de la population.

Ce sera dans l’histoire l’honneur du gouvernement de juillet 1830 d’avoir dès ses premiers jours, malgré les apparences et les velléités contraires, clairement reconnu au fond des choses et des âmes cet intérêt et cet instinct pacifique de la France, et d’en avoir fait dans tout le cours de son existence la base de sa politique. Je n’ai garde de rentrer dans les ardens débats qui se sont élevés à ce sujet et auxquels j’ai été longtemps appelé à prendre part ; mais je me permettrai de reproduire ici ce que j’ai dit ailleurs pour déterminer avec précision le caractère essentiel du gouvernement.de 1830 et les résultats de sa politique dans cette suprême question de la paix après tant d’années de guerre, et de quelles guerres ! « Ce gouvernement, ai-je dit[1], a eu l’honneur de naître d’une révolution accomplie pour la défense des lois, et des libertés violées. Il a eu le malheur de naître d’une révolution, et d’une révolution accomplie aux dépens du principe essentiel de la monarchie, et avec le concours de partis et de passions qui dépassaient de beaucoup son but. Entreprise au nom des droits de la monarchie constitutionnelle, la révolution de 1830 a ouvert la porte aux tentatives républicaines et aux perspectives indéfinies de l’imagination humaine, honnêtes ou perverses. Le gouvernement de 1830 a courageusement fait le départ entre ces idées et ces forces diverses déployées autour de son berceau ; il a accepté comme sa source, et sa règle : 1° les droits de l’indépendance nationale, 2° le respect, des lois, des droits et des libertés publiques, 3° les principes et la pratique du régime constitutionnel. Point d’intervention ni d’immixtion étrangère dans les affaires et les résolutions intérieures de la France ; point de lois d’exception ni de suspension des libertés publiques : les pouvoirs constitutionnels en plein exercice et toujours appelés à débattre et à régler ensemble les affaires du pays.

« Le gouvernement de 1830 ne s’est pas borné à mettre ces principes en pratique à l’intérieur et pour la France elle-même ; ils ont présidé à ses relations avec les autres états, spécialement avec les états assez voisins de la France pour que leur situation et leur destinée importent à la sienne. Il a déclaré qu’en Belgique, en Suisse, en Piémont, en Espagne, il ne souffrirait aucune intervention

  1. Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, t. VIII, p. 597.