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articles dithyrambiques des journaux dévoués pour ce qu’ils valent, et on se réveillera en écoutant le discours du général de Beyer, ce Prussien que le grand-duc de Bade a emprunté au roi Guillaume pour en faire son ministre de la guerre, et qui avouait sans détour récemment que l’organisation actuelle de l’Allemagne avait encore des lacunes, que le sud ne pouvait rester indéfiniment séparé du nord. On scrutera les mystères de l’entrevue du roi Guillaume et de l’empereur Alexandre II à Schwalbach avec la pensée ou la crainte d’en voir sortir quelque combinaison menaçante ; on ira même jusqu’à supposer des alliances de la Prusse, de la Russie et des États-Unis, et, comme l’imagination allemande n’est ni moins prompte à s’émouvoir ni moins fertile, elle verra de son côté, sans tenir compte de ce qu’il y a d’impossible, poindre quelque fédération douanière ou peut-être même militaire de la France, de la Hollande, de la Belgique et de la Suisse. En un mot, on s’excitera de toutes parts pendant que les gouvernemens en seront encore à prononcer des discours et à se faire des complimens auxquels personne ne croit. L’heure est venue évidemment de sortir de là et de rompre avec toutes ces ambiguïtés où le sens des choses finit par s’émousser. Il faut trancher dans le vif et parler à l’opinion de façon à la convaincre, si, au lieu de marcher vers une paix simple et sérieuse, on ne veut aller à la guerre par le plus dangereux de tous les chemins, à travers des anxiétés et des troubles qui réagissent nécessairement sur notre situation intérieure en la compliquant et en l’affaiblissant.

Pour ce qui est de notre situation intérieure, qui a elle-même ses agitations et qui n’est point assurément sans être de quelque poids dans les affaires extérieures, elle peut se résumer aujourd’hui dans un fait. Décidément nos députés ont encore devant eux un bout d’existence officielle. Les élections générales n’auront pas lieu cette année, elles restent fixées à l’expiration régulière du mandat législatif. Pour tout dire, nous n’avons jamais cru beaucoup à ces élections anticipées. Elles étaient peut-être, à un point de vue supérieur, dans la donnée rationnelle des choses ; après les grands mouvemens d’opinion qui se sont accomplis depuis quelques années, elles n’étaient point dans les données de la politique officielle. D’abord elles impliquaient la nécessité d’une décision sérieuse dans un moment où l’on ne semble pressé de rien décider ; ensuite elles eussent été presque l’aveu d’une situation nouvelle devant laquelle le mécanisme constitutionnel d’aujourd’hui serait insuffisant, et en fin de compte, si la question a pu être un instant indécise dans les conseils du gouvernement, l’élection de M. Grévy a dû la trancher dans le sens de l’ajournement. Le résultat presque imprévu de ce scrutin est venu prouver que même aujourd’hui la roue de la fortune électorale tourne pour tout le monde. Il y a quelques jours à peine, l’élection de Nîmes, qui semblait beaucoup plus douteuse, jetait l’opposition dans le découragement et inspirait à l’administration une confiance peut-être