reproduisant sur une échelle énorme le phénomène des anneaux colorés de Newton et, en reflétant toutes les nuances du spectre, mais si pâles que le charme s’évanouit pour faire place à une impression pénible et lugubre ; il semble par instant que la nature s’entrevoit tout entière comme à travers une sorte de suaire ou de linceul de gaze. Ce sont là des embryons de banquises. » Cette glace est opaque et d’un blanc laiteux ; on n’y trouve jamais ni débris de rochers ni détritus végétaux comme dans celle du pôle sud. Les champs de glaces marines, rares au pôle austral et communes au pôle boréal, permettent encore d’affirmer l’existence d’une terre au sud ; celle d’une mer libre au nord.
On peut enfin invoquer le témoignage des navigateurs qui ont aperçu de loin cette mer polaire. Les expéditions qui se sont engagées dans ce dangereux labyrinthe d’îles qui s’étend à l’ouest du Groenland en parlent plus d’une fois. En même temps on peut remarquer une différence notable et tout à fait significative entre le climat des deux zones ou bandes parallèles que ces îles forment au nord du continent américain. Dans la zone la plus rapprochée du continent, la vie animale ne se manifeste que rarement, tandis qu’en montant vers le nord on la voit se multiplier jusque devenir exubérante ; elle semble prévenir le voyageur qu’il va fouler les dernières glaces. Ce fait, qui correspond à une ligne de grands froids s’étendant à peu près du 68e au 75e degré, est assurément d’une valeur considérable, puisqu’il est intimement lié à l’existence d’une mer libre.
Les expéditions anglaises de 850 à 1851 ont fourni à cet égard d’intéressans documens » À cette époque, le lieutenant Austin hivernait au sud de la terre Cornwallis, tandis que le capitaine Penny se trouvait à peu de distance à l’entrée du détroit de Wellington. Aux premières lueurs des longs jours polaires, il fut décidé que, pendant que les officiers d’Austin visiteraient le pourtour du bassin de Melville, l’équipage de Penny remonterait le canal de Wellington. Austin lança donc sur les glaces quatorze traîneaux et 104 hommes, et la division Ommaney descendit au sud pour reconnaître le North-Somerset. Pendant soixante jours, ces courageux marins eurent à lutter contre les cruelles morsures du froid et à vaincre la démoralisation qui menaçait de s’emparer d’eux. « Dans ces parages, dit leur chef héroïque, la terre comme la mer offrent un caractère étrange de solitude et de tristesse. De tous les côtés se déployait devant nous un horizon de neiges où pas un point saillant n’arrêtait nos regards. Notre présence dans ces lieux inanimés semblait être à la fois une discordance et une intrusion. » Tandis que Ommaney parcourait ainsi les mornes déserts du North-Somerset, Mac-Clintock faisait de nombreuses reconnaissances au nord du bassin de Melville, et rencontrait d’innombrables bandes d’oiseaux dès les premiers jours de mai. La neige disparaissait déjà des collines, et les mousses ainsi que les gazons et les saxifrages faisaient de timides apparitions. Les premiers jours du printemps de 1851 virent aussi partir les divisions de Penny. Pendant que ce