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LES
NOUVELLES EXPÉDITIONS
AU PÔLE NORD

Depuis que la vapeur s’est frayé des routes à travers les montagnes et les mers, que les voies ferrées sillonnent la surface du globe, on se figure volontiers que l’homme a pris possession de son domaine, qu’il en connaît les détours. Par intervalles cependant, quelque grand projet d’exploration vient nous rappeler ce qui reste encore à faire. L’intérieur de deux continens est toujours enveloppé de mystère, les extrémités du monde, les deux pôles où le jour et la nuit partagent l’année en deux moitiés égales, ne se sont point encore dévoilés pour des yeux humains. Là se dressent des problèmes dont la solution ne sera probablement obtenue qu’au prix de grands efforts et de grands sacrifices. Il ne s’agit pas ici de découvrir des mines d’or, ni de conquérir des pays fertiles ; il s’agit de combattre l’inconnu, d’assujettir à l’homme le globe entier. N’est-ce pas là un objet digne de tenter le courage des plus hardis, un but proposé à l’émulation de tous les peuples ?

Les tentatives qui ont été faites pour atteindre les pôles sont nombreuses. Nous ne rappellerons pas les noms de tous les navigateurs qui ont péri dans ces parages glacés ou qui ont dû revenir en arrière, arrêtés par des obstacles infranchissables. Ce qu’il importe de signaler, c’est le progrès incontestable qui se remarque dans les résultats des expéditions successives, progrès qui fait concevoir la possibilité d’un succès complet. Ainsi Cook était revenu des mers australes avec la conviction que jamais un navire ne dépasserait la latitude de 71 degrés, Weddell parvint jusqu’au 74e, et Ross pénétra à travers les glaces dans une mer libre où il atteignit le parallèle de 78 degrés de latitude sud, même sans l’aide de la vapeur. Au pôle nord, les découvertes de Parry, de Kane, de Hayes, ont sensiblement reculé les limites du connu et justifié l’espoir que dans un avenir prochain les régions arctiques n’auront plus de