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certaines distinctions n’appartenant qu’à leur famille, mais dont le temps a fait justice et qu’on regarderait aujourd’hui comme excentriques ou puériles[1]. Tout le monde sait qu’il y a des pairs d’Angleterre ; plusieurs ignorent peut-être qu’il existe aussi des pairesses. L’état, voulant honorer les services d’hommes qui étaient morts à la guerre ou dans des entreprises glorieuses, a quelquefois élevé leur veuve à cette dignité. Dans les temps modernes, l’une des pairesses ne dut pourtant un tel titre qu’à son mérite personnel et à l’affection qu’elle avait su inspirer. Le duc de Clarence, alors libre de tout engagement, avait fait la cour à miss Wykekam de Swalcliffe, et lui avait offert sa main, qu’elle refusa par délicatesse. Étant monté sur le trône, Guillaume IV se souvint de celle qu’il avait aimée et pour laquelle il conservait une profonde estime. A partir de 1834, le nom et le titre de la baronne Wenham figura sur le registre de la chambre des lords.

Quoique habitant le même palais que les députés des communes, les pairs sont bien chez eux ; ils ont leur vestiaire, leurs corridors richement décorés de peintures, leur chambres de comité et leur salle à manger, qui frappe surtout par la magnificence. Un plafond chargé de pendentifs et d’arabesques, des portes richement sculptées, des tentures délicates ou somptueuses, des murs à panneaux, des cheminées dont le marbre est fouillé à jour et revêtu d’ornemens, tout annonce bien les habitudes de luxe et de bien-être si chères à l’aristocratie anglaise. Cette salle à manger s’étend en face de la Tamise, derrière la bibliothèque des lords. Le service s’y fait au moyen de machines intelligentes qui apportent les plats, les rafraîchissemens, les boissons, des profondeurs de la cuisine ou de la cave, comme par magie. Quant à la salle des séances, elle est le plus souvent déserte durant la journée. Quiconque pénètre alors dans la chambre y trouve pourtant quelquefois un groupe de trois ou quatre sévères personnages revêtus de longues robes et qui semblent gravement affairés : ce sont les law lords. On nomme ainsi les membres de l’auguste assemblée ayant rempli autrefois ou qui

  1. Henri VIII avait accordé à John Forester, issu d’une famille de marchands, le droit de porter son chapeau sur la tête en présence du souverain. La même concession fut faite par le roi Jean à l’un des de Couci, et par la reine Marie à son général Henri lord Ratclifle. Ce privilège s’étendit plus tard aux descendans de chacune des trois maisons que nous venons de nommer. L’un d’eux y tenait encore au dernier siècle : il entrait dans la salle du trône le chapeau à la main, puis le mettait sur la tête pour affirmer son droit et se découvrait aussitôt par courtoisie. Un jour pourtant, en présence de George III et de la reine Charlotte, il resta si longtemps couvert que le vieux roi lui dit : « Je ne conteste pas votre droit, mais vous semblez oublier qu’il y a une dame dans la chambre. » Depuis ce jour-là, on n’entendit plus parler de ce privilège, renouvelé des grands d’Espagne.