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d’esprit aux intérêts, aux traditions et aux mœurs de la classe qui veut bien les admettre à partager certains honneurs. Aussi, quoique la pairie britannique se soit plusieurs fois renouvelée et qu’elle se renouvelle encore tous les jours, le génie de l’institution est demeuré à peu près le même. Les lords diffèrent sans doute entre eux d’opinion tout aussi bien que les autres hommes ; c’est même dans leurs rangs que se rencontrent quelquefois les plus ardens et les plus intrépides défenseurs de la démocratie. Lorsque éclata la révolution française, le comte Stanhope renonça par principe à tous les insignes extérieurs de la pairie : c’était le républicain le plus avancé qu’il y eût en Angleterre[1]. A part ces conduites personnelles qu’on met d’ordinaire sur le compte d’une certaine excentricité de caractère, il est bien évident que la pairie est le palladium de la noblesse. Le fait n’étonne et n’indigne personne en Angleterre, où l’on admet sans peine que tous les intérêts de la société doivent être constitués dans l’état. On se demande seulement si l’aristocratie n’est pas représentée deux fois, d’abord à la chambre des lords et ensuite à la chambre des communes, où elle compte tant de membres influens. C’est un des argumens que firent valoir les libéraux en faveur de la dernière réforme électorale.

La chambre des lords se compose de deux élémens bien distincts, l’un spirituel et l’autre temporel. L’archevêque de Canterbury vient dans l’ordre hiérarchique immédiatement après le plus jeune duc de la famille royale. Ceux d’York et d’Armagh, selon la date de leur consécration, prennent rang avant ou après le lord-chancelier. Trente évêques, à la tête desquels se placent ceux de Londres, de Durham et de Winchester, se succèdent sur le banc qui leur est réservé. Il y a pourtant entre eux et les autres membres de la chambre une différence dont il faut tenir compte : les évêques sont lords du parlement, mais ils ne sont point pairs du royaume. Dans le cas d’un crime capital, ils seraient jugés par le jury tout comme les autres sujets et non par l’assemblée à laquelle ils appartiennent. La raison de cette disparité est facile à saisir : ils ne sont pas de sang noble[2]. Siègent-ils au parlement en vertu de leur charge ou par suite des domaines temporels attachés à leur siège épiscopal ? C’est un point sur lequel les juristes anglais ne sont point très d’accord entre eux, et qui d’ailleurs ne changerait rien aux privilèges du clergé. Les lords ecclésiastiques se distinguent en outre par

  1. Tout porte à croire que vers 1802 il avait l’intention de donner un état manuel à ses deux fils, voulant faire de l’un un maçon, et de l’autre un tanneur ; mais à son grand regret ce plan fut déjoué par sa fille, lady Hester.
  2. Aussi leur dignité ne se transmet-elle point à leurs enfans, et leurs femmes ne portent-elles point le titre de ladies.