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marche que tous les autres bills. Pour qu’il y ait condamnation, il faut qu’elle soit prononcée successivement par la chambre des communes, la chambre des lords et la couronne. La personne frappée de flétrissure (attained) est morte aux yeux de la loi. Le sang qui coule dans ses veines est du sang avili, corrompu (corruption of blood), et la tache se transmet à ses descendant On conçoit que dans les temps orageux de l’histoire, quand il était si facile de trouver et même d’inventer au besoin des crimes d’état, cette loi d’attainder ait puissamment contribué à ébrancher l’arbre primitif de la pairie anglaise. Il s’en faut pourtant de beaucoup que les rejetons des très anciennes baronnies aient tous été atteints par la même cause de déchéance. Il en est plusieurs qui se sont dégradés et condamnés eux-mêmes. Les uns se ruinèrent par la fureur du jeu, d’autres, pour mener grand train dans le monde, contractèrent des emprunts qui finirent par dévorer leurs vastes domaines. Un pair sans voiture, sans laquais, sans moyens extérieurs de maintenir sa dignité, comprenait lui-même qu’il était déplacé dans les rangs de la noblesse. Pour l’honneur de l’ordre, ses confrères prêtaient, dit-on, la main aux créanciers, et cherchaient sourdement à se débarrasser d’un membre appauvri. Beaucoup disparurent ainsi sans bruit et s’éteignirent dans l’obscurité. La famille survivait quelquefois à ces désastres personnels, mais le titre s’était éloigné d’elle à jamais. Quelques-uns de ces lords ruinés s’exilèrent volontairement de leur contrée, et allèrent promener sur le continent leur mauvaise fortune ; d’autres, plus fiers ou moins connus, cherchaient à se cacher dans l’oubli, dans la foule, dans la qualité d’étranger. Parmi ces nobles déclassés et dépaysés, on cite surtout Henri Holland, duc d’Exeter et beau-frère d’Edouard IV, qui durant une douzaine d’années rôda dans les Flandres d’une ville à l’autre, nu-pieds, en haillons, demandant l’aumône et tirant son chapeau à ceux qui passaient sur la route. Les guerres civiles, les complots, les divisions dû royaume, contribuèrent aussi beaucoup à la chute de certaines maisons nobiliaires. Ceux des lords, par exemple, qui avaient embrassé la cause de Marie Stuart contre la reine Elisabeth payèrent souvent bien cher leur illusion et leur aveugle dévoûment chevaleresque. Il suffira de nommer parmi eux Charles Nevill, qui avait porté le titre de comte de Westmoreland, et qui, réfugié plus tard dans les Pays-Bas, n’y trouvait point un toit de chaume où reposer sa tête, tandis que ses manoirs et ses domaines étaient vendus par l’état à une autre famille. Les infortunes du roi Lear ont été partagées par plus d’un noble, errant, lui aussi, sous la pluie et le tonnerre, et n’ayant plus même un fou pour le consoler. On retrouve non-seulement à l’étranger, mais aussi dans les rangs obscurs de