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de lâches, je tiens tête à trois d’entre eux, même armés de leurs mauvais petits sabres !

« Ils criaient sur la montagne : Juhei ! Ahei ! Alors vint le taureau suisse, et il fit si bien de ses cornes, que tous allèrent sauter dans le Rhin ; tous les gobelets furent pleins, tous les hommes en eurent à discrétion.

« C’était le samedi. Les gens de Feldkirch regardèrent à l’eau et s’écrièrent : Voilà qui est merveilleux ! Ce doit être autant de confédérés que l’on aperçoit dans la rivière, réjouissons-nous !

« On les tira, on les regarda. Grand Dieu ! ils sont amenés l’un après l’autre, et ils portent tous la croix rouge ! Il n’y a que des nôtres, Dieu du ciel ! rien que de nos soldats que le taureau d’Uri a traités de la sorte ! »


L’empereur avait soutenu tous ceux qui combattaient contre les Suisses ; il avait convoqué ses chevaliers, envoyé ses généraux, ses reîtres, ses lansquenets ; cependant il se voyait battu sur tous les points. Quoiqu’il fût occupé de ses préparatifs contre les Turcs, il écrivit de Fribourg en Brisgau à tous les états de l’empire. Il leur rappela le soulèvement des cantons primitifs contre les ducs d’Autriche, les sermens illégitimes par lesquels ils s’étaient confédérés, la rupture des liens qui rattachaient le pays à ses souverains, la noblesse obligée de choisir entre l’exil ou l’accession, à leur ligue coupable. Aujourd’hui ces confédérés, pires que des Turcs et des païens, contrairement à toutes les lois, pénètrent dans l’empire, étendent leur confédération monstrueuse ; chose affreuse à entendre, des membres du saint-empire romain combattent dans les rangs de ces paysans insolens et impies, aussi dépourvus de vertus que de titres de noblesse ! La chrétienté se couvre de honte, l’honneur de la nation allemande est outragé ! Pour châtier une pareille arrogance, l’empereur annonce qu’il se propose de combattre en personne ces misérables, et il convoque à cet effet les princes, comtes et villes de l’empire.

« Dans l’Engadine ! dans l’Engadine ! s’écrie ici le Schwabenlied, le combat recommença avant les six semaines. » En effet, le 22 mai, les Grisons et les Suisses s’emparaient d’un camp retranché à Malserhaïde, dans une gorge du Tyrol, à l’embouchure de l’Adige. C’était le pays des serviteurs fidèles, des soldats dévoués des Habsbourg. Maximilien, chassant le chamois, se plaisait à courir sur leurs montagnes, à y faire admirer sa hardiesse, son agilité : aujourd’hui encore les étroites vallées du Tyrol sont remplies de son souvenir. Ç’a été la destinée de cette maison de contenir chacun des peuples soumis à son empire par quelque autre qui en était le