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en s’abstenant toutefois de toute réaction ouverte et déclarée contre nos demi-dieux nationaux et nos idoles régnantes ; mais son procédé calme, net et fin, étendu, positif et ne s’appuyant que sur des textes, guérissait de toute superstition littéraire, bien mieux que n’eussent fait les invectives passionnées ou les déclamations oratoires. Il renouvelait ainsi dans ses fondemens la critique que d’autres s’occupaient à orner et à embellir par les dehors. Le nouveau, le simple et le primitif, les racines en tout et la fleur première avant le fard et le luxe de seconde main, avant la superfétation de culture, avaient sa prédilection presque exclusive. De près et pour ceux qui étaient une fois en rapport avec lui, il était l’esprit investigateur par excellence ; il exerçait sur eux une action intime et décisive. Parler d’Ampère sans avoir fait d’abord la place et la part de Fauriel, ce serait parler du fils sans avoir indiqué son parent et vrai père intellectuel, car le vrai rôle d’Ampère à bien des égards, c’est d’avoir été un Fauriel jeune, vif, extérieur, communicatif, chaleureux et intéressant. Quinet l’appelait Fauriel II.

J.-J. Ampère, né à Lyon en août 1800[1], fils du savant géomètre et physicien illustre, fut élevé et nourri à Paris à partir de 1804. Il avait déjà perdu sa mère, et il ne se ressouvint jamais de ce doux sourire qui avait lui sur son berceau. Une belle-mère qu’il eut ensuite, mais bientôt séparée de son père, avec lequel elle était incompatible, ne lui fut de rien. Son âme sensible eut de tout temps des arriérés de tendresse dont il ne sut que faire. Son père, homme de génie, homme de bien, mais sans règle et sans suite dans les habitudes journalières de la vie, ne put guère qu’exciter et secouer la jeune intelligence de son fils sans la diriger. Les études d’Ampère n’eurent rien qui le tirât de la routine ordinaire. Il fut mis d’abord en pension rue Neuve-Sainte-Geneviève, chez un ancien oratorien, l’abbé Roche, qui passait pour janséniste. Bien des enfans d’hommes distingués, les fils des Royer-Collard, des Hallé, des Beugnot, des Sacy, étaient dans cette institution, qui n’en valait pas mieux pour cela. Ampère passa depuis, me dit-on, au collège Henri IV et plus tard au collège Bourbon, dont il suivit les cours comme externe libre. Il remporta, en 1817, le premier prix de philosophie au concours général ; le sujet était l’énumération des preuves de l’existence de Dieu. Son père, à défaut du polytechnicien qu’il aurait voulu, avait eu l’idée de faire de lui un apothicaire savant comme le furent les Geoffroy de l’ancienne Académie des Sciences, et de notre temps les Pelletier, les Robiquet.

  1. « Jean-Jacques-Antoine Ampère, né le 24 thermidor an VIII (12 août 1800), fils d’André-Marie Ampère et d’Antoinette Carron ; né à Lyon, grande rue Mercière. » (Extrait des registres de l’état civil, préfecture du Rhône.)