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Bohémiens, Westphaliens, Hessois, sont à leur suite. Parmi les pays libres, le Schwabenlied prend à partie la ligue des casaques ou de la Souabe, le Hegau, dans la vallée septentrionale du Rhin, Constance, le Wallgau, au sud du Bodensee, et la ville libre de Strasbourg. « O Strasbourg, dit-il, ta bannière sera suspendue à Zurich, à ton grand déplaisir. Si tu es encore tentée de faire la guerre à la Suisse, aie soin de fondre d’aussi bons canons pour les occasions prochaines. » Une chanson de Dornach parle de Colmar et du pays de Westericb, qui est le territoire situé entre la Moselle et le Rhin ; elle y ajoute toute l’Alsace et tout le Brisgau. C’était donc la grande nation qui voulait absorber la petite, et cette fois encore, grâce à ses montagnes et à ses lacs, la petite put résister et maintenir pour toujours son indépendance.

Du côté de l’est, la Suisse présente l’aspect d’une vaste forteresse dont le Rhin, qui la contourne, est le fossé ; le Bodensee ou lac de Constance en est la douve la plus large. En-deçà de cette ligne d’eaux sont les dernières pentes des montagnes, souvent abruptes et perpendiculaires comme des bastions avancés, en quelques endroits douces et fuyantes comme des remblais de terre. Traversez le gigantesque fossé et retournez-vous, la Suisse tout entière semble se dresser devant vos yeux, défiante de l’étranger, menaçante et irritée avec son couronnement de glaciers. Telle elle dut apparaître aux Allemands du saint-empire, au moins après que six mois de défaites leur eurent appris de quels courages opiniâtres elle disposait pour sa défense. En face et de l’autre côté de l’eau, le pays s’étend et se déploie, cachant dans des plis relativement peu accentués les villes, les clochers, les cultures, les accidens insignifians d’une vie uniforme, celle des peuples qui se sont donné des maîtres pour protéger leur travail et garantir leurs richesses. Ici finit la Suisse républicaine et agricole, là commence l’Allemagne industrieuse et monarchique. Ici se sont livrés les premiers combats, les plus poétiques aussi, parce que la lutte s’y engage dans les défilés des montagnes, dans les gués des rivières, et que les hommes s’y prennent corps à corps. C’est au nord, du côté de Constance et de Bâle, que se livrent les batailles définitives. La scène y change complètement. Devant Constance, le pays est ouvert, c’est la Suisse plate : point de gorges impénétrables, point de torrens ni de rochers à pic, mais de beaux horizons, des campagnes en longues perspectives, tout ce qui invite un ennemi et rien de ce qui l’arrête. L’Allemagne possède ici l’avantage du terrain ; elle a pour elle les hauteurs de la Souabe montagneuse, qui forcent le Rhin à se tourner vers l’occident, et la ville impériale de Constance, rendez-vous naturel des seigneurs et chevaliers. Aussi la Suisse y fait-elle bonne garde ; sur ce point,