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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 octobre 1868.


Que deviennent les affaires de l’Europe, et quel chemin a fait en ces derniers temps cette terrible question de la paix ou de la guerre dont le nœud est bien sans doute quelque part, à Biarritz ou dans un château de la Poméranie ? Ce drame des destinées européennes qui se déroule sous nos yeux marche-t-il à travers l’obscurité des desseins secrets vers un dénoûment violent, ou bien, par suite de la lassitude universelle encore plus que par la toute-puissance de la raison, sommes-nous tous près d’entrer dans une phase d’heureux apaisement ? Que faut-il penser du discours du roi de Danemark devant les chambres de Copenhague, ou de la conspiration récemment découverte à Constantinople ? Une révolution, une vraie révolution se préparant en Turquie, peut-être par la main de la Russie, le roi de Danemark s’entendant avec la France pour rappeler à la Prusse les engagemens du traité de Prague relativement au Slesvig, voilà certes de quoi remettre les imaginations en campagne ! Nous ne sommes pas au bout de tous ces incidens qui passent comme des nuages à l’horizon, qui sont les symptômes éphémères d’une situation profondément ébranlée, mais qui n’ont pas toujours heureusement la gravité qu’on leur prête. Pour le moment ce n’est pas de cela qu’il s’agit. L’autre jour, tandis que nous en étions encore à interroger le sphinx prussien et à nous demander si M. de Bismarck allait décidément quitter Varzin pour reprendre en main les affaires, ou s’il n’aurait pas fait à propos quelque nouvelle chute de cheval qui lui permit de prolonger sa mystérieuse villégiature, tandis que presque par habitude nous regardions du côté du nord, à l’autre extrémité de l’Europe une reine quittait son royaume en fugitive, cherchant encore sur sa tête une couronne qui venait de tomber, se dérobant à une révolution qui marchait sur ses traces, franchissant au vol de la vapeur la frontière de France avec son roi, son confesseur et son intendant ! Et voilà justement ce qui peut faire oublier un instant le discours du roi de Danemark, les savantes indisposi-