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du visiteur. Des dessins de la Chine bouddhique, représentant des personnages qui n’ont aucun rapport avec des magots, étaient achevés avec soin. En livre sur l’art militaire contenait l’exposé des douze stratagèmes « comparables à des murs en fer entourés de fossés d’eau bouillante » qui n’empêchent pas ce pays de succomber devant toute invasion européenne ou asiatique. Du reste l’exposition de la Chine n’était guère qu’un trompe-l’œil destiné à masquer une lacune regrettable, car le vieil empire ne s’était pas rendu à l’invitation qu’il avait reçue de prendre sa part à cette grande revue de l’état et des progrès des peuples. Le Japon, si fort supérieur à la Chine dans les arts qui se rapportent au dessin, n’était guère mieux représenté à l’exposition, tant dans les salles réservées à l’enseignement que dans cette petite maison qui prétendait donner une idée à peu près fidèle de ce qu’est une habitation japonaise. Des paravens, des mannequins remplis de paille, offraient avec trois jeunes filles venues du pays un aperçu vrai des costumes. On pouvait de plus y trouver des papiers très propres au dessin, d’un grain régulier et faits à la main, d’autres souples et mous résistant comme une étoffe feutrée. On proposait aux visiteurs des dessins populaires qui ne sont pas sans analogie avec nos images de Metz et d’Épinal, bien que supérieurs pour la richesse, l’éclat, l’entente et, jusqu’à un certain point, l’harmonie du coloris ; mais les marchands se servaient pour écrire de plumes de fer simplement trempées dans l’encre de Chine ou du Japon, qu’ils remplaceront bientôt peut-être par notre encre elle-même.

Quant à l’Inde, nous savons qu’il se manifeste de tous côtés pour elle une grande ardeur d’enseignement. Peuple conquérant et peuple conquis semblent pour l’instant signer la paix dans les écoles. Ce pays fut un des foyers de la civilisation et de l’industrie humaine, un des premiers centres de l’art, d’un art exquis, tout d’ornementation, dont la tradition n’est pas perdue et dont l’influence subsiste encore. Ses ouvriers fabriquent depuis des siècles ces mousselines qui ressemblaient, au dire des anciens, à de l’air tissé. Un artisan indien a remporté un prix pour ce genre d’étoffe à l’une des expositions universelles. Armes, meubles, sculptures de jade, châles, véritables ouvrages d’art, tout cela est exécuté par de pauvres hommes de celle Inde pacifique et toujours conquise, comme le fat la Chine, artisans sans prétention, qui se contentent d’une poignée de riz pour leur subsistance de la journée. Les manufactures les mieux outillées ne parviennent guère à imiter leurs œuvres. Eux, ils n’ont pour les exécuter qu’un matériel rudimentaire et grossier, qui les ferait prendre en pitié par nos directeurs de fabriques. Que deviendrait cet art naturel, s’il était appuyé d’un