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émancipées de leur joug ne sont pas comme eux enchaînées par le dogme ; mais leur éducation doit porter sur des notions plus utiles pour elles à cette heure que le dessin. Il faut satisfaire d’abord à d’autres besoins et détruire d’autres ignorances. L’un des derniers princes serbes ne savait pas écrire ; le premier livre d’alphabet serbe date seulement de 1814. Le dessin n’est pas, on le comprend, une des préoccupations les plus urgentes des races serbes.

Un peuple studieux, appliqué, honnête, instruit, intelligent, soigneux, celui du Danemark, s’inquiète fort de tout ce qui concerne les écoles d’ouvriers ou d’apprentis et les écoles techniques. Les écoles du dimanche ont des cahiers bien tenus et pleins d’esquisses qui ne sont pas sans mérite. Notons qu’il y a ici curiosité et goût de savoir plutôt encore que nécessité de premier ordre en raison des besoins d’une industrie locale ou nationale. L’industrie n’est pas prépondérante en Danemark. Ce que les Danois poursuivent, c’est leur propre développement, non la certitude de meilleurs débouchés et d’une vente plus assurée de leurs produits. Le dessin linéaire, les projections, la perspective, les plans de machines, sont assez largement exécutés chez eux. Le dessin à main levée semble aussi répandu que le dessin linéaire. Ornemens, vases, figures, paysages même, ont été représentés dans le concours de 1867. De grands modèles faits pour être vus à distance, comme le disaient les inscriptions, sont mis en général à la portée du regard des élèves. Des tableaux, des cartes, des objets d’histoire naturelle, des dessins anatomiques, accompagnent ces modèles.

La Suède et la Norvège se tiennent à peu près sur la même ligne. Le roi de Suède est peintre, et on a vu de ses œuvres, des paysages de son pays, qui indiquent un talent supérieur à celui que nous sommes habitués à trouver chez les artistes couronnés. L’enseignement primaire du dessin, aussi bien que celui de la musique, de la gymnastique, a sa place marquée dans ces belles écoles suédoises, propres, bien aménagées, où chaque élève a son pupitre en bois de sapin clair, poli et verni. L’école est le luxe de ces états, où il y a peu de fortunes démesurées, mais où il n’y a guère de pauvres. Les dessins des écoles primaires ne sont pas excellens ; toutefois la direction est bonne, et cela est beaucoup. Les esquisses des élèves représentent surtout les plantes avec leurs organes essentiels, c’est le dessin appliqué aux notions des sciences naturelles. Des tableaux énormes appendus aux murailles montrent aux enfans les mêmes figures. Par les yeux commence leur éducation, et sans efforts, sans aucune tension de l’esprit, par une sorte de délassement et de récréation, ils apprennent à connaître et à analyser les objets.