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peuple juif composé de deux races distinctes, la critique historique appliquée à la Bible nous fait voir ces deux races en hostilité l’une avec l’autre depuis les temps les plus reculés. Le gros du peuple d’Israël était sémite, et se rattachait aux adorateurs des Elohim, personnifiés en Abel. Les autres, qui ont toujours formé la minorité, ont été comme des étrangers venus de l’Asie et pratiquant le culte de Jéhovah. C’étaient probablement des Aryas : leur centre principal se fixa au nord de Jérusalem, dans la Galilée. Les hommes qui habitent ce pays forment encore un contraste étonnant avec ceux du sud ; ils ressemblent à des Polonais. Ce sont eux qui ont introduit, en grande partie du moins, dans le culte du peuple hébreu ce qu’il y avait de symbolique, et dans les anciens livres de la Bible le peu de métaphysique que l’on y rencontre. À leur race ont généralement appartenu les prophètes, depuis Melchisédech jusqu’à la captivité de Babylone ; à elle revient ce qu’il y a de religieux dans les chants attribués au roi David, à elle aussi les invectives des prophètes contre ce peuple « à la tête dure, » dont l’inaptitude naturelle pour les hautes doctrines et les retours perpétuels à la superstition les indignaient. Sur ce fonds antique, et dont l’origine aryenne est aujourd’hui reconnue, les hommes qui avaient été à Babylone fondèrent non-seulement des doctrines plus explicites, mais tout un système sacerdotal et politique emprunté aux Perses de Cyrus et de Darius. C’est ce qu’ont mis pleinement en lumière les derniers travaux d’exégèse faits en Europe.

Il faut toutefois observer qu’il existe dans la Bible un élément étranger aux Aryas, puisqu’il ne se rencontre ni dans les livres de Zoroastre, ni dans le brahmanisme, ni dans le Vêda : c’est la personnalité de Dieu. Quoique le problème de la nature divine ne se présente pas comme entièrement résolu dans les hymnes védiques, cependant plusieurs d’entre eux ont une forte tendance vers le panthéisme. Peu après, ce dernier s’établit dans l’Inde comme théorie fondamentale en même temps que la constitution brahmanique, et il n’a pas cessé d’être la doctrine religieuse des Indiens. On sait qu’en Perse la personne divine la plus haute fut et a continué d’être Ormuzd, qui était l’Asura des temps primitifs, et qui dans la hiérarchie céleste de Zoroastre fut le premier des Amschaspands ; mais au-dessus de ce dieu personnel et vivant, agent suprême de la création et ordonnateur du monde, les mages comme les brahmanes ont conçu un être absolu et impersonnel, dans l’unité duquel tous les êtres vivans et Ormuzd lui-même se résolvent. Il n’y a donc pas de différence essentielle entre la métaphysique des Perses et celle des Indiens. Les savans de nos jours qui se sont occupés des Sémites, et parmi eux M. Renan, qui fait autorité en ces matières, ont montré que le sémitisme repose au contraire sur la