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même chose ait lieu en France et en Autriche, nous verrons l’institution catholique se briser encore en plusieurs fragmens, et des églises plus ou moins nombreuses se fonder là où l’unité catholique semble exister aujourd’hui. Poursuivons encore l’application de la même loi : toutes les fois qu’une rupture nouvelle se produit, chaque communion compte moins d’adhérens que n’en comptait le grand corps dont elle s’est détachée ; le mouvement se continuant, on aboutit à la religion individuelle. C’est ainsi qu’est tombé le polythéisme ; mais à mesure que l’un de ses fidèles se détachait de lui, la religion chrétienne était là pour le recevoir dans son sein. Alors cette religion n’avait encore contracté aucune alliance définitive avec la politique, elle n’était pas divisée, elle pouvait à bon droit porter le titre d’universelle ou de catholique qu’elle se donnait.

Qu’un pareil phénomène se produise encore en Orient comme en Occident, et l’on verra les sectateurs des diverses communions de l’Asie former des groupes de plus en plus petits jusqu’au jour où les membres de chacun d’eux se sépareront et retomberont dans la religion universelle dont nous avons parlé. Or un mouvement de cette nature se poursuit dans l’Inde depuis plusieurs années ; il acquiert dans la société brahmanique éclairée une influence croissante : un de ses chefs a été celui qu’on appelait en Europe Rammohun-Roy ; son œuvre fut de montrer le but à atteindre, et ce but était de revenir à la simple doctrine du Vêda en laissant tomber les cultes polythéistes dont l’Inde fourmille encore aujourd’hui.

On voit que la loi du dédoublement indéfini entraîne les communions vers le rétablissement de la religion individuelle, et tend à les résoudre dans l’unité. Comme celle-ci avait été brisée par l’introduction d’un élément politique dans l’institution religieuse, cet élément étranger tend à s’éliminer lui-même. Les communions fondées sur une hiérarchie et formant des sociétés organisées au sein des sociétés civiles portent en elles-mêmes la cause qui doit les détruire. Il n’y a ni armée, ni alliance, ni secours humain d’aucune sorte qui puisse empêcher cette cause d’agir, parce que les lois de la nature sont irrésistibles. Que l’on se demande, par exemple, quel bénéfice rapporte à la papauté le secours militaire qu’elle a reçu du gouvernement impérial, de la création d’une troupe bigarrée de 10 ou 12,000 étrangers : elle n’a pas gagné un partisan, elle s’est aliéné nombre d’hommes, surtout en Italie, et elle se trouve beaucoup plus faible aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a quinze ans. D’un autre côté, la politique romaine, c’est-à-dire catholique, est tellement en contradiction avec les principes les mieux acceptés et les plus solides de nos législations que chaque effort tenté pour la soutenir tourne à son détriment, et transforme en ennemis de la papauté ou en indifférens des gouvernemens et