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tendrait à s’absorber et le genre humain avec elle dans ses formes particulières. Il est certain que le christianisme, après s’être présenté comme une seule et unique religion, s’est partagé en deux grandes églises, sans compter deux ou trois communions collatérales, et que plus tard ces églises se sont à leur tour subdivisées. Aujourd’hui le nombre des sectes chrétiennes est très grand : chaque petit pays a son église plus ou moins appropriée à son état social et politique. L’élément de diversité semble donc avoir pris dans la religion chrétienne un empire de plus en plus grand. Nous-mêmes avons vu naître des sectes nouvelles, et sous nos yeux les catholiques de France sont divisés non sur les doctrines générales, toujours en dehors de la discussion, mais sur les questions de hiérarchie et d’administration cléricale, c’est-à-dire sur les questions politiques. S’il est vrai que la religion fondamentale était une à son origine, comme nous l’avons exposé, la loi qui entraîne le christianisme vers une division toujours croissante est la même qui a partagé en plusieurs branches l’institution primitive et fait sortir d’une source commune les religions des Indiens, des Perses, des Grecs, des Latins, des divers peuples occidentaux, et plus tard le bouddhisme en Asie et le christianisme en Occident. Elle s’exécute sans interruption depuis plusieurs milliers d’années.

Il est en effet digne de remarque que la même loi s’est appliquée à ces diverses religions dans tous les temps et dans tous les pays. Non-seulement les religions helléniques et latines de l’antiquité offraient une diversité extrême, de petits collèges de prêtres sans unité cléricale et des communions de fidèles fort exiguës, mais le bouddhisme, qui, bien qu’antérieur de cinq siècles au christianisme, a un caractère moderne, le bouddhisme offre en Asie une multiplicité d’églises égale à celle des communions chrétiennes. Il a dans l’Asie centrale une sorte de pape qui semble lui communiquer une unité hiérarchique ; mais Siam, le Pégu, Ceylan, les îles du Grand-Océan, une partie de la Chine, ont des églises bouddhistes aussi indépendantes de ce pontife que les églises d’Allemagne, d’Angleterre et des États-Unis le sont du pontife de Rome. Les études faites sur ce sujet soit par les savans en Europe, soit par les Européens qui ont vécu ou voyagé en Orient, depuis le père Huc jusqu’à l’évêque Pallegoix et au révérend Bigandet, démontrent cette division de la grande communauté bouddhique.

Si nous résumions les faits et les idées à partir de l’époque du Vêda et des Ribhous jusqu’à nos jours, nous verrions d’un coup d’œil s’appliquer la loi qui pousse la religion universelle vers une division dont on n’aperçoit pas la limite. Supposons que cette loi continue de s’appliquer, que par exemple l’Italie proteste, et que par l’excès des prétentions des uns et de la résistance des autres la