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nouveau-né et lui offrir les mêmes présens qu’ils avaient coutume d’offrir à Ahura-mazda, le premier de leurs esprits purs, cette légende n’est point sans signification. Celle du massacre des enfans ordonné par Hérode n’est pas non plus sans portée, puisque ce roi était un Juif iduméen, et que le massacre avait pour but d’étouffer la réforme naissante dans son berceau. Quant à l’empire, le christianisme lui fut longtemps indifférent, parce qu’il semblait ne porter que sur des doctrines abstraites et ne pas intéresser la politique. Il n’y a point de politique nettement énoncée dans les Évangiles ni même dans les Actes et les Epîtres. Sauf dans l’Évangile de Jean, qui est postérieur aux trois autres, il n’y a pas non plus de métaphysique dans le Nouveau-Testament, si ce n’est ça et là par des éclaircies et par la théorie du Christ, laquelle s’y trouve même à peine formulée.

Aussi les Évangiles, en y ajoutant même ceux qui portent le nom d’apocryphes, sont-ils des documens tout à fait insuffisans pour se faire une idée complète du christianisme primitif. Ils n’en renferment pour ainsi dire que la morale. Ils répondent, aussi exactement que le permet la différence des temps et des lieux, aux sûtras bouddhiques, livres de diverses époques et de valeur très inégale, qui tous ensemble ne forment dans le bouddhisme que le tiers des écritures sacrées. Les deux autres parties du Triple-Recueil (Tripi-taka) comprennent, comme chacun le sait, la métaphysique et la discipline. On peut admettre que les premiers initiateurs de notre religion possédaient le fond de la métaphysique chrétienne telle que l’Orient indo-perse la leur avait fournie, telle qu’elle fut enseignée à Paul, et qu’elle le fut aussi à plus d’un membre des primitives églises. Cette doctrine est contenue implicitement dans les formules du rituel les plus anciennes, dont plusieurs sont antérieures à Jésus lui-même et à Jean le précurseur. On peut soutenir la même thèse à l’égard des symboles, c’est-à-dire des objets figurés usités dans les cérémonies ou ayant une signification mystérieuse connue des seuls initiés. Plusieurs de ces symboles se rencontrent à Rome dans les catacombes les premières en date, et s’y montrent assez éloignés des formes qu’ils ont dû avoir d’abord pour qu’on soit autorisé à les croire déjà anciens à cette époque. Or ces formules et ces figures, étrangères à la vieille Égypte, à la Grèce et à la Judée, se retrouvent dans les livres des Indiens et des Perses avec le même sens métaphysique. On est donc conduit à admettre que la doctrine idéale et la symbolique sous laquelle elle se voilait passèrent toutes faites d’Orient en Occident par l’intermédiaire de la Syrie, de la Galilée et peut-être aussi de la nouvelle Égypte. C’était là et c’est encore le christianisme dans ce qu’il a de purement religieux, c’est-à-dire de théorique et