Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/866

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dépensés en voies de fer et en voies de terre, en travaux de dessèchement et d’irrigation, en ports, en phares, en télégraphes, en bureaux de poste, en édifices publics. En outre 70 millions ont été consacrés au canal Cavour, qui jusqu’ici n’a point enrichi ses actionnaires, mais qui n’en sera pas moins un des chefs-d’œuvre de notre temps. Ce canal doit prendre dans le Pô 110,000 mètres cubes d’eau par seconde, et après avoir arrosé 100,000 hectares de terrain sur un parcours de 82 kilomètres, en traversant huit rivières sur des ponts ou sous des tunnels, verser enfin dans le Tessin l’eau qu’il n’aura pas répandue dans les campagnes. Des sommes énormes ont été employées par une compagnie napolitaine pour rendre 16,000 hectares à la culture par le dessèchement du lac Fucin ; au moins 15 millions ont été votés par les communes pour la construction des routes, plus de 100 millions consacrés par les sept principales villes d’Italie (Turin, Gênes, Milan, Bologne, Florence, Naples, Palerme) à des travaux d’embellissement. 700 millions dépensés par les compagnies de chemins de fer outre l’argent qu’elles ont trouvé dans les caisses de l’état. Notons enfin que, loin de se ralentir, cette activité s’est accrue d’année en année, et qu’après avoir commencé par des hésitations, des tâtonnemens, de longues discussions, de patientes études, l’administration des travaux publics a, depuis 1864, dévoré toutes ses économies, presque épuisé ses ressources, — et nous serons forcés de reconnaître que l’Italie, depuis son réveil, n’a ménagé ni son argent, ni son activité, ni sa force, et qu’elle s’est mise vaillamment au travail. Que n’eût-elle donc pas fait, si elle n’avait dissipé de 1861 à 1865 1 milliard 627 millions pour son armée et sa flotte, pour Custoza et Lissa !

Hélas ! les nécessités de la guerre ont ajourné les bienfaits de la paix ; cependant il y a progrès partout, progrès dans la législation d’abord ; les lois provinciales et communales sont les plus libérales qui puissent régner dans les pays monarchiques. Les provinces ont une sorte d’autonomie, les conseils communaux sont nommés par le suffrage direct. Les procès des citoyens avec l’administration ne sont plus déférés à des tribunaux spéciaux, ils sont soumis à la juridiction ordinaire ; le code a consacré le mariage civil, quelle que soit la religion des conjoints, fussent-ils prêtres. La femme, affranchie, peut hériter et tester ; elle assume, son mari mort, la puissance paternelle. Les successions sont équitablement réparties ; en cas de mort ab intestat, les droits des parens sont reconnus, même ceux des enfans naturels. La loi supprime les fidéi-commis, gêne l’usure, reconnaît la propriété littéraire, se règle enfin sur nos codes, et les corrige quelquefois avec bonheur. Il y a progrès dans la vie politique : le nombre des électeurs inscrits s’est élevé de