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débarqueront à Brindisi. Or on sait que le commerce asiatique, le plus important du monde, est chaque année de plus de 4 milliards 200 millions. Il est possible que, même après le percement de l’isthme, une grande partie de ces richesses orientales suive encore l’ancienne voie du Cap, il est de plus probable que bon nombre de navires entrés dans la Méditerranée par la Mer-Rouge se dirigeront sur Trieste, Marseille ou Gibraltar ; mais Brindisi n’en sera pas moins placée sur la ligne la plus directe, et débarquera les voyageurs pressés, les objets précieux, les marchandises expédiées à toute vitesse, l’or et l’argent, les correspondances, les journaux, la malle des Indes. Le gouvernement italien s’est donc occupé de ce port avec une préférence intelligente : les canaux d’entrée et les bassins ont été creusés profondément ; on en a extrait l’année dernière 400,000 mètres cubes de sable. Des quais de débarquement achevés déjà seront mis en communication avec le chemin de fer ; des digues, des môles, des jetées, sont en construction, et d’ici à trois ans Brindisi aura un port intérieur accessible aux plus gros navires et un avant-port bien abrité.

Une véritable activité règne dans tous ces ports ; les chantiers travaillent et se multiplient. Il n’y en avait en 1862 que 56, qui lancèrent à la mer 215 navires jaugeant ensemble 25,271 tonneaux. En 1866, le nombre des chantiers s’était élevé à 91, celui des navires lancés à 675, et le chiffre de leur tonnage à 59,622. Cette même année, 215,074 bâtimens à voile ou à vapeur, chargés ou sur lest, entrèrent dans les ports d’Italie ou en sortirent. La marine marchande voguant sous pavillon italien se composait au 1er janvier 1867 de 99 bateaux à vapeur et de 15,707 navires à voiles, sans compter les vénitiens. La marine royale, après Lissa, possédait encore 91 vaisseaux, dont 14 cuirassés, 22 à hélice, 25 à roues, 8 à voiles ; les 22 autres étaient des bateaux de transport. Nous ne pensons pas que cette flotte gagnerait aujourd’hui les batailles d’Aboukir et de Trafalgar, nous affirmons seulement qu’elle existe, et qu’elle a été créée sous le nouveau régime.

En 1859, avant la guerre, l’Italie n’avait que 1,472 kilomètres de voies ferrées, qui presque toutes traversaient les provinces du nord. Un an après, 200 kilomètres de plus étaient en exploitation, En janvier 1861, vous alliez de Turin à Venise ou à Bologne sans quitter les rails ; mais, à partir de Bologne, il fallait prendre la diligence pour franchir les Apennins. Si les chemins étaient mauvais, la diligence ne partait point : impossible d’aller à Florence, à moins de revenir sur vos pas et de vous embarquer à Gênes. De Florence à Rome, de Rome à Naples, le plus court et le plus sûr, à moins d’orages, était la voie de mer. De Naples, — on descendait rarement plus bas, — les locomotives, au souffle court, n’allaient