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hautes études ; mais n’y a-t-il pas là quelque profusion ? Ce n’est pas la culture supérieure qui demande à être secondée, c’est la culture générale. L’Italie a de très grands esprits ; elle est comme cet arbre dont parle un de ses poètes :

Com’ albero che vive dalla cima ;


mais la multitude est ignorante. En additionnant tous les chiffres que nous avons donnés, on ne trouve dans toutes les écoles italiennes qu’un treizième de la population. On en trouve près du quart dans les écoles des États-Unis d’Amérique, et pourtant les Américains entrent plus tôt dans la vie ; dès leur seizième année, ils veulent être hommes et citoyens. L’Italie ne dépensera jamais assez pour l’instruction du peuple et des classes moyennes. Nous ne contestons pas. les bienfaits obtenus ces dernières années par les libéralités du gouvernement et par les sacrifices croissans des municipes et des communes. Nous savons que Turin ne dépensait en 1847 que 40,000 francs par an pour ses écoles, elle y a consacré 500,000 en 1865. Milan donne autant aujourd’hui, Naples davantage ; mais il n’en est pas moins vrai que l’instruction publique ne coûte encore que 77 centimes à chaque Italien. Elle coûte 2 fr, 27 c. à chaque Anglais » 5 fr. 65 c. à chaque habitant de Zurich, presque 9 francs à chaque citoyen de New-York. Voilà les peuples qui marchent[1]


III

Les réformes intellectuelles n’étaient pas les seules que le jeune royaume eût à entreprendre ; les réformes matérielles n’étaient pas moins urgentes. Les trois cinquièmes de la péninsule en 1860 n’avaient que 250 mètres de routes par kilomètre carré ; il leur en aurait fallu 1,000. Seize provinces n’en avaient que 100, celle, de Reggio n’en avait que 37, le tiers de la Sicile n’en avait pas du tout. Pour voyager dans l’intérieur de l’île, on prenait les trazzere, larges zones de terrain aride, couvert, de broussailles, à peine cultivé de loin en loin ; on y retrouvait son chemin aux traces des caravanes. L’hiver, ces trazzere, envahies par des torrens que

  1. M. Berti a eu l’idée utile de comparer dans plusieurs états le budget de l’instruction publique et celui de la guerre ; il a publié un petit tableau digne d’être médité. Sur 1,000 francs de dépenses générales, voici ce que donnent les états suivans :
    pour l’instruction pour la guerre
    L’Italie 17 fr. 319 fr.
    La France, 11 285
    L’Autriche, 14 276
    La Bavière, 22 219
    Le Wurtemberg, 47 218