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importante, car l’Italie, pour revivre, ne pouvait attendre que ses petits enfans eussent grandi. Elle devait improviser des maîtres, car elle ne savait où en trouver dans les pays napolitains. Les prêtres étaient en général ou très peu lettrés ou routiniers, d’ailleurs hostiles ; les laïques ignoraient le métier d’instituteur, ou n’en voulaient point, la profession étant méprisée. On manquait surtout d’institutrices, la plupart des femmes comptant parmi les 17 millions d’illettrés. Il fallait donc former des maîtres, et à cet effet fonder des écoles normales, et pour ces écoles normales recruter des enseignans supérieurs, et pour ces enseignans supérieurs des inspecteurs consommés ; il fallait attirer des élèves en combattant les hostilités cléricales, les scrupules des vieilles femmes, l’avarice des parens qui tenaient à exploiter au plus tôt leurs enfans ; il fallait trouver des livres et les faire lire, des méthodes et les faire suivre, des programmes et les faire exécuter : c’était tout un monde à créer du jour au lendemain. Cela s’est fait à la hâte et développé, réformé d’année en année, si bien qu’au lieu des 42 écoles et des 3,000 écoliers que l’Italie avait trouvés à Naples en 1860, et qui ne coûtaient à la commune que 50,000 fr., il y a maintenant dans cette même ville 16 asiles ouverts à 2,000 enfans et 111 écoles fréquentées par 17,000 élèves. Pour ces écoles publiques et gratuites, la commune dépense aujourd’hui plus de 600,000 francs.

Ce qui nous a frappé dans ces écoles, qui n’ont jamais pu s’astreindre aux méthodes ni aux règlemens piémontais, c’est l’intelligence des élèves. Ils comprennent à demi-mot, et devinent en un clin d’œil ce que les petits Turinois mettent des années à comprendre. Les adultes des classes du soir apprennent moins vite ; fils d’ouvriers, ouvriers eux-mêmes, ils ont moins de temps pour l’étude, et sont d’ailleurs fatigués par le travail du jour. Cependant les salles qui leur sont ouvertes nous ont paru les plus fréquentées de toutes ; il y a évidemment dans ce peuple une ardente ambition de se relever. Quant aux écoles normales, elles marchent bien, surtout celle des institutrices. L’ancien ministre Berti a remarqué la singulière aptitude des Italiennes non-seulement pour l’instruction, mais pour la science, et il a cité d’illustres exemples à l’appui de cet éloge mérité. Les élèves-maîtresses confirment de tout point l’opinion du ministre. Elles sont d’abord trois fois plus nombreuses que les élèves-maîtres, au rebours de ce qui se passe en France et ailleurs elles sont en outre plus intelligentes. Les jeunes filles accourent en foule dans ces écoles où on leur apprend à enseigner, soit que la modeste rétribution des institutrices suffise à l’ambition moins exigeante de leur sexe, soit que le beau côté de la profession séduise leur dévouement. Filles de familles pauvres ou déchues, elles sont