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Ne pas consentir à ce que l’univers soit ce qu’il est, c’est ne pas consentir à être ce que nous sommes, et le considérer comme une énigme, c’est se résoudre à ne jamais déchiffrer celle de notre propre vie. Pouvons-nous nous arrêter-là ? Pour ma part, je le voudrais en vain.

J’appelle donc à notre aide une méthode qui fasse entrer l’homme dans la notion de trinalité, applicable à l’univers et à lui. Je crois que ce n’est certes point assez pour clore la série de nos études. Le vieux monde a trouvé dans les profondeurs de sa métaphysique mystérieuse ce nombre trois, qui n’est pas dépassé, puisqu’il n’est pas encore généralement admis. Nos efforts, actuels, devraient tendre à le faire comprendre et accepter en attendant mieux. Ce serait un grand pas de fait.

Je sais fort bien qu’aucune méthode ne peut répondre sans réplique à toutes les questions que l’homme se pose. La plus grave est celle-ci. — Pourquoi Dieu, qui pouvait tout, n’a-t-il pas tout réglé en vue d’un idéal auquel l’homme peut arriver d’emblée sans passer par l’âge de barbarie, et pourquoi cet âge d’ignorance et de bestialité a-t-il encore tant d’âmes soumises à son empire, même au sein de la civilisation raffinée de notre temps ? Il ne tenait qu’au Créateur de nous faire plus éducables et de nous initier plus promptement à l’intelligence de sa loi.

S’il y a un Dieu antérieur à la création, et qu’elle soit son ouvrage, si l’univers a eu un commencement, si une âme magique a soufflé sur la matière inerte à un moment donné pour la faire tressaillir et penser, enfin si le Dieu que l’humanité doit admettre est celui des antiques théodicées, ces questions resteront à jamais sans réponse.

Mais si, écartant ces poèmes symboliques, nous nous contentons de comprendre l’âme de l’univers par l’induction rigoureuse, qui est le seul rapport possible entre elle et nous, nous sommes forcés de croire qu’il y a un créateur perpétuel sans commencement ni fin dans une création éternelle et infinie. Si l’univers a commencé, Dieu a commencé aussi ; c’est ce que n’admet aucune métaphysique, aucune philosophie.

L’univers avec ses lois immuables existe par lui-même, il est Dieu, et Dieu est universel. Dieu est un corps et des âmes, il faudrait peut-être dire que dans son unité il a des corps et des âmes à l’infini, car dans le fini où nous rampons nous ignorons le chiffre de nos organes matériels et intellectuels. « Quel œil, quel microscope est jamais descendu dans les profonds abîmes du monde cérébral ? Dans ce petit espace remuent des systèmes plus complexes que les systèmes célestes, des constellations organiques plus