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et des pauvres. Près de ces existences dont les hôtels des Diomède, des Cicéron, des Pansa, des Salluste, dénonçaient le luxe, il en était de plus modestes ; mais nulle part dans ces ruines l’horrible misère ne se montre. Est-ce à la fécondité du sol, à l’industrieuse activité des habitans, qu’on doit rapporter ce miracle ? Toujours est-il que la vigne et l’olivier y prospéraient. Caton vante les fruits, les légumes, le miel de Pompéi, dont le port situé à l’embouchure du Sarno, en communication constante avec Nola et Nocera, était devenu une des plus riches échelles de la côte. Rien dans ces trésors amoncelés qui sente la conquête. Ces merveilles appartiennent toutes à des particuliers, d’inimitables artistes les ont faites sur commande, idéalisant l’existence matérielle jusque dans les objets qu’elle emploie pour ses plus vulgaires besoins.

C’est cette histoire souterraine qu’il eût fallu parcourir, étudier, absorber, avant d’écrire une partition d’Herculanum. Je m’étonne que l’auteur de la symphonie du Désert, M. David, à qui ses impressions de voyage avaient déjà si bien profité, ne se soit point davantage préoccupé cette fois de la vraie couleur de son sujet. Une excursion préparatoire à travers la ville morte où nous venons de nous attarder un moment l’eût à coup sûr mieux conseillé. De tels sujets aujourd’hui ne peuvent plus être traités à l’italienne. Pris ainsi par le côté superficiel, presque badin, ces tragiques conflits du paganisme et de la foi chrétienne n’ont d’attrait pour personne. C’est trop ou c’est trop peu. Tandis, que les gens sérieux déplorent ces agrémens vieillots, ces placages mélodiques sous lesquels aucun nerf ne se dérobe, le gros du public, dont les oreilles sont rebattues des refrains de la Belle Hélène, se demande pourquoi cet antique-là, au lieu de minauder comme il fait, ne tourne pas carrément à la parodie. Je n’ai point vu l’ouvrage de M. David lorsqu’il fut représenté pour la première fois il y a dix ans ; mais ce que je puis dire, c’est que cette musique d’un des compositeurs les plus distingués que nous ayons ne produit aujourd’hui qu’un effet assez médiocre. C’est passé de mode, effacé comme une toile de M. Hamon. J’ai cru d’abord à quelque réaction, à quelque fâcheuse influence de toutes ces misérables musiques d’Alcazar dont on nous assourdit ; mais non, l’œuvre est décidément caduque et ne tient pas. On peut jouer ce soir Alceste et demain Iphigénie en Tauride sans que le crédit de Gluck se trouve atteint ; mais il y a de ces immunités qui ne préservent que les chefs-d’œuvre. Je ne prétends pas que la partition d’Herculanum soit sans mérite : elle a les qualités de la musique de M. Félicien David ; seulement ces qualités, qui ailleurs font merveille, ici ne trouvent pas leur emploi, et leur valeur, de positive qu’elle était dans Lalla-Rouck, devient parfaitement négative. À ces sujets antiques ne saurait suffire la note voluptueuse et tendre de ces complaintes nostalgiques où le musicien, des belles nuits d’Orient aime à se répandre. Aussi les plus graves torts de cette partition doivent être imputés au librettiste. M. Méry ne fut jamais qu’un faux