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REVUE MUSICALE.

LA MUSIQUE DE PAR LE MONDE.


Si jamais l’envie vous prend de chercher la trace des anciens dieux, allez de Naples à Portici et de Portici à Résina. Le dessous de Résina s’appelle Herculanum. Descendez à soixante pieds dans la profondeur, vous trouverez les piédestaux de ces deux superbes statues du musée de Naples, les Balbus, qui, chevauchant, laissent si loin derrière elles tout ce que dans le genre équestre l’art moderne a produit. Au théâtre, il y avait place pour dix mille personnes ; les stalles, par intervalles, se voient encore pressées l’une contre l’autre, en ruine. On distingue aussi l’orchestre et les loges des comédiens. Ce qui reste d’Herculanum n’est pourtant qu’un avant-goût de ce qui vous attend à Pompéi. Roulez en longeant la mer jusqu’à Torre del Greco, jusqu’à Torre dell’ Annunziata, l’Oplontum des anciens ; là vous déjeunerez sur une splendide terrasse en vue de Castellamare, je me reprends, de Stabia, en vue de Caprée et de Misène, puis tout d’un trait vous arriverez à Pompéi. C’est par la « porte de la mer » qu’on vous introduit dans la ville enfouie. Vous commencez par le forum et le temple de Jupiter. Qu’on se figure une ville de province, ni grande ni petite, entourée de fortifications séparant la cité des faubourgs, une ellipse dont en une heure et demie on devait faire le tour sans se presser. Sous Auguste seulement, Pompéi devint municipe. C’est donc, si l’on veut, Rome en diminutif, microscopique. Dans la villa de Diomède se passe le roman de Bulwer[1]. Tout Paris, grâce au prince Napoléon, la connaît aujourd’hui ; mieux vaut donc visiter la maison du poète tragique à côté de la maison des teinturiers et faisant face à la maison des bacchantes. Cave canem, « garde-toi du chien ! » dès le seuil, un pavé de mosaïque précieusement conservé au musée de Naples donnait à qui de droit ce très salutaire conseil. De l’atrium viennent aussi les grands sujets homériques du même musée : Chryséis rendue à son père, Achille prenant congé de Briséis, Thétis implorant pour son fils la vengeance de Jupiter, et tout à fait à part, dans le sacrarium, l’incomparable sacrifice d’Iphigénie. Depuis cent vingt ans environ que ces fouilles durent, les trois quarts de la cité détruite ont reparu à la lumière. Vous en avez aujourd’hui pour deux grandes heures à parcourir seulement les rues, car, pour visiter l’intérieur des maisons une journée ne suffit pas, et, question bien consolante, que nul touriste, je suppose, ne s’est faite en se promenant dans une ville moderne, vous vous demandez : quelle place en pareils lieux occupait donc la misère ? Sans doute il y avait là des riches

  1. The last Days of Pompeii.