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nature des études sérieuses et souvent renouvelées. Un jardin botanique spécial destiné aux expérimentations était indispensable. L’administration compétente l’a compris, et elle a accordé à l’École d’application sept ou huit vieilles caisses absolument hors de service provenant des envois d’outre-mer, et dans lesquelles on a pu mettre un spécimen de différens terrains, les traiter à l’aide de certains gaz ou de certains sels, piquer des plants de tabacs divers et essayer, faute de mieux, de ce genre de culture à domicile. C’est plus grand que « le jardin de Jenny l’ouvrière, » mais pas beaucoup plus.

On ne se contente pas de faire des cours théoriques aux élèves, on leur donne toutes les notions pratiques qui peuvent leur être nécessaires, et l’on a poussé cela si loin, qu’on leur apprend à faire eux-mêmes des cigares, afin qu’ils puissent plus tard surveiller cette branche de la fabrication en parfaite connaissance de cause. Entre la première et la seconde année d’études, chaque élève est envoyé en mission dans une manufacture, et doit rendre compte des faits qu’il a observés sur la fabrication locale et sur les procédés de culture dont leur jardin botanique, on a pu s’en convaincre, ne leur donne qu’une idée fort incomplète. La culture est en effet un objet de la plus haute importance : c’est d’elle que dépend l’abondance de la production. Or, comme il faut toujours être en mesure de satisfaire aux exigences du public, il importe que nous trouvions chez nous, sur nos terrains mêmes, une assez grande quantité de tabacs pour subvenir à nos besoins, car sans cela nous serions obligés de nous fournir à l’étranger, où nous rencontrons des qualités inférieures et des prix très élevés. L’analyse chimique a démontré que la faculté combustible des feuilles de tabac était spécialement due à des sels de potasse ; tout tabac qui en est dénué, celui d’Algérie par exemple, brûle mal, ou, pour parler le langage technique, brûle noir. Rien n’est plus facile que d’ajouter pendant la manutention de la potasse au tabac qui en manque ; mais le principe de l’administration actuelle est que ses produits, quelle qu’en soit la provenance, doivent être soustraits à toute addition de corps étrangers et rester absolument purs. Il a donc fallu que ce fût la culture elle-même qui fournît au tabac la potasse qui lui est indispensable pour être plus tard d’une combustion facile. L’étude des engrais a permis d’arriver à ce résultat et d’utiliser ainsi des quantités énormes de matières qui sans cela n’auraient été bonnes qu’à laisser pourrir sur pied. Chaque terre réservée aux tabacs est donc expérimentée ; on en reconnaît les élémens constitutifs, et l’on peut déterminer ainsi de quel genre de fumure elle a particulièrement besoin.