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ici, la main sur la Bible et devant Dieu, que toutes nos vallées se soutiendront courageusement les unes les autres pour fait de religion, sans préjudice de l’obéissance due à leurs légitimes supérieurs. Nous promettons de maintenir la Bible entière et sans mélange, selon l’usage de la vraie église apostolique, persévérant en cette sainte religion, fût-ce au péril de notre vie, afin de pouvoir la laisser à nos enfants intacte et pure comme nous l’avions reçue de nos pères. » Après ce serment, les délégués s’occupent de la défense, ils forment un corps de chasseurs montagnards que les écrivains vaudois nomment la compagnie volante, toujours prête à se porter sur les points menacés ; ils élèvent des retranchemens avec des arbres abattus, préparent sur les hauteurs des blocs de rocher destinés à être roulés sur l’agresseur, et quand au printemps le comte della Trinità revint à la charge, il fut reçu de la manière que nous savons. « Dieu bataille pour eux, et nous leur faisons tort, » disaient les catholiques de la plaine en voyant passer les débris mutilés de la croisade.

Les vaudois profitèrent de la terreur que leur nom inspirait pour faire une nouvelle tentative auprès de leur souverain, qui avait enfin mis les pieds sur le sol du Piémont après vingt ans d’absence. Sa capitale n’étant pas encore évacuée par la France, il était venu à Vercelli, puis à Fossano, près du théâtre de la guerre, d’où, il pouvait voir la région ravagée. Ce n’est pas volontairement, nous le savons déjà, que le héros de Saint-Quentin s’était jeté dans cette persécution, et dans une entrevue qu’il eut avec les députés vaudois à Vercelli il leur dit franchement : « C’est en vain que le pape, les princes d’Italie et mon conseil lui-même me pressent d’exterminer ce peuple ; j’en ai pris conseil de Dieu dans mon cœur, il me presse plus fort encore de ne pas le détruire[1]. » La « bonne duchesse » était probablement entrée aussi dans ce conseil de son mari avec Dieu. C’est à elle que les députés vaudois s’adressent, c’est par elle qu’ils font passer leurs requêtes, et elle leur donne toujours d’encourageantes paroles. « Vous ne sauriez croire, leur dit-elle, tous les mauvais rapports qu’on nous fait chaque jour contre vous ; mais ne vous troublez point. Soyez gens de bien, soumis à Dieu et à votre prince, paisibles envers vos voisins, et tout ce qu’on vous a promis vous sera tenu fidèlement. » Le duc, ne voulant pas traiter directement avec des sujets qu’il considérait comme rebelles, rappela de sa retraite son parent Philippe de Savoie. Avec un tel négociateur, la paix fut bientôt conclue à Cavour le 5 juin 1561. Le culte vaudois est reconnu et toléré dans les trois vallées et sur une zone de la plaine embrassant les bourgs de Bibiana, Briccherazio, Campiglione et

  1. Lettre du barbe Etienne Noël.