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résistance vaudoise à la réformation, c’est sur le conseil de se manifester au grand jour. La secte avait contracté l’habitude du mystère ! dans ses conventionnés secrets, elle y avait trouvé sa sécurité, le pli était pris, et il lui en coûtait de rompre avec des mœurs invétérées. D’ailleurs les nouveaux amis qui l’invitaient à sortir du mystère étaient bien éloignés. Pourront-ils la défendre contre l’ennemi toujours menaçant ? Que deviendra l’imperceptible église, si elle montre franchement son visage hétérodoxe ? Entourée de toutes parts de son ancienne persécutrice et isolée de ses amis, elle sera infailliblement dispersée ; comme. elle l’a déjà été autrefois dans le midi de la France. Peut-être y avait-il aussi dans ces objections vaudoises un reste d’attachement à la grande église, car la position des anciens protestans était bien différente de celle des nouveaux. Ceux-ci protestaient du dehors et ceux-là du dedans. Les vaudois se considéraient encore comme des catholiques, ils étaient révoltés contre certaines superstitions, mais non contre le principe catholique. Ils faisaient, pour employer une formule moderne, une opposition constitutionnelle, nullement révolutionnaire et radicale, position véritablement intéressante et qui provoque en leur faveur la sympathie et les regrets. Que n’a-t-elle pu être maintenue ! Si l’église avait toléré l’opposition et le contrôle dans son sein, elle se serait ménagé le moyen pacifique et légal de se réformer elle-même, de corriger ses déviations, et l’on n’aurait point à suivre dans l’histoire ces proscriptions de minorités, ces persécutions atroces, ce torrent de sang qui coule, à la honte de l’humanité, jusqu’au seuil de notre siècle pour des questions religieuses. Vains regrets ! l’aveuglement de l’autorité a toujours rendu la révolution nécessaire, et il est dans la nature des majorités dont le principe est absolu d’écraser les minorités ou d’être écrasées par elles. L’église avait encore au XVe siècle prêté l’oreille au fameux cri de l’opposition légale : ecclesia indiget reformatione ; mais au XVIe siècle elle est complètement sourde, elle a étouffé toute liberté de conscience, et s’est enfoncée plus avant dans son évolution matérialiste et païenne d’où elle ne peut plus être retirée que par le coup de foudre de la révolution religieuse. L’opposition chrétienne, irritée, désespérée, brise les cadres d’une orthodoxie désormais immuable, et entraîne dans la révolte la moitié de l’Europe. Toute position intermédiaire a cessé d’être tenable, il faut que le valdisme fasse son choix, qu’il retourne à l’église qui l’a rejeté et maudit, ou qu’il se fonde avec la protestation nouvelle, qui lui tend une main amie à travers les Alpes.

Cette nécessité devint évidente après le retour de George Morel. Un parti révolutionnaire se forma au sein de la congrégation et se mit à travailler dans le sens de la réunion avec les protestans. Pour