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questions découvrent chez les vaudois un état religieux et moral bien différent de celui qu’on leur a supposé plus tard, bien différent en tous les cas de l’orthodoxie luthérienne ou calviniste.

Pour avoir plus vite et plus sûrement la réponse à cette lettre, George Morel résolut d’aller la chercher lui-même. Ce voyage, qui allait avoir sur les destinées du valdisme une influence décisive, s’accomplit encore conformément à la règle ancienne. George partit de sa vallée natale de Freyssinières, sur le versant français, avec un jeune barbe nommé Pierre Masson, qui lui fut donné comme coadjutor. Celui-ci n’est connu que par son abnégation et son martyre, Ils arrivèrent tous les deux à Baie sans rencontre fâcheuse, et ils revenaient par la Bourgogne avec les réponses et les instructions des réformateurs allemands, lorsqu’en passant à Dijon ils furent reconnus comme hérétiques et jetés en prison. La persécution sévissait alors en France ; les parlemens, transformés en commissions inquisitoriales, envoyaient sommairement à la mort tous les gens suspects d’hérésie. L’affaire de nos deux prisonniers fut bientôt réglée, non pas si promptement toutefois qu’entre la sentence et l’exécution George Morel ne trouvât le moyen de s’échapper par le dévouement de son coadjutor, qui demeura seul entre les mains de l’ennemi. Le 10 septembre 1530, le vaudois monta sur le bûcher avec le courage et les espérances éternelles du héros chrétien pendant que son compagnon fuyait à travers champs. Celui-ci arriva aux montagnes sans autre incident avec les réponses écrites d’Écolampade. Dans sa lettre à la communauté vaudoise, le réformateur bâlois insiste fortement sur la nécessité de sortir de cet état occulte dans lequel elle s’est renfermée. « Notre Dieu est vérité, dit-il, et il veut être servi en vérité, sans dissimulation aucune ; il est jaloux, et il ne souffre pas que les siens portent le joug de l’antechrist. » Écolampade déclare qu’il s’est réjoui des choses merveilleuses qu’on lui a dites du peuple vaudois, de cette lumière si grande qu’il n’a pas laissé éteindre à travers les ténèbres du moyen âge ; mais il s’est affligé d’apprendre que cette lumière est tenue cachée par la crainte des persécutions, « Quelle mort, s’écrie-t-il, quel supplice ne faudrait-il pas préférer plutôt que d’agir contre sa conscience, et de donner ainsi aux impies des sujets de blasphèmes ? Je connais votre faiblesse ; mais il convient d’être fort à qui a cru qu’il est racheté par le sang du Christ. Qui croira vraie notre foi, si elle faiblit devant la persécution ? Frères, nous vous exhortons à bien examiner la chose, car, s’il est permis de se cacher sous les dehors de l’antechrist, pourquoi ne le serait-il pas de prendre ceux du Turc, de Dioclétien, et d’aller aux autels de Jupiter et de Vénus ? »

Ce langage dut paraître bien dur à des hommes placés sous le couteau du persécuteur. Aussi, de tous les conseils donnés au valdisme