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corporations monastiques dont ces oiseaux effrontés, bruyans et voraces, ont tiré leur nom. Il n’est pas rare de voir les jardins disséminés dans l’intérieur des grandes villes ravagés par eux à tel point que, sans attendre la formation des fruits, ils dévorent les bourgeons naissans. Ils se sont parfaitement aperçus que ces jeunes organismes étaient très nutritifs. C’est en effet dans tout l’arbre la partie dont la composition élémentaire se rapproche le plus de celle des tissus animaux. En les dévorant, ils mangent presque de la viande, si l’on peut ainsi dire.

Et cependant on aurait à se repentir de détruire complètement ces chasseurs infatigables et toujours affamés. En Angleterre, les propriétaires avaient à une époque obligé leurs fermiers à payer une partie de la rente du sol en têtes de moineaux. On comptait ainsi faire disparaître ces oiseaux du sol de la Grande-Bretagne, on y réussit ; mais on ne fut pas longtemps à regretter que cette mesure eût obtenu un succès aussi complet : les insectes ne tardèrent pas à pulluler si bien qu’on fut réduit, pour se défendre contre eux, à importer des moineaux du continent. Ce qui s’est passé aux États-Unis n’est pas moins significatif : il y a quelques années, le moineau y était inconnu, et les insectes y faisaient des ravages intolérables. Dès le mois de juin, les arbres des squares et des avenues de New-York n’avaient plus une seule feuille, tout était dévoré par les chenilles, qui tombaient en grappes sur les promeneurs. En 1852, on apportait à Portland trois paires de moineaux. Durant les années suivantes, on en introduisit quelques autres couples venus d’Europe dans les principales villes de l’Union. Choyés par les habitans, trouvant d’ailleurs autour d’eux une nourriture abondante, nos pierrots, on n’en doute pas, se multiplièrent avec une excessive rapidité. Quant aux chenilles, elles disparurent comme par enchantement. Les arbres des villes d’Amérique gardent maintenant leur feuillage tout l’été. En reconnaissance de ce signalé service, beaucoup d’habitans de New-York ont établi près de leurs fenêtres de jolies cages constamment ouvertes où les moineaux francs, devenus familiers, trouvent en tout temps un bon gîte et des alimens de leur goût.

On ne saurait non plus refuser d’admettre au nombre des oiseaux utiles les chouettes et les hiboux. Ce n’est qu’au défaut d’instruction que l’on doit attribuer les préjugés et les persécutions dont ces oiseaux, dits de mauvais augure, sont victimes dans nos campagnes. Qui n’a rencontré au milieu des villages des chouettes clouées aux murs et aux portes des maisons ? Cependant cette famille de nocturnes est appelée à rendre de grands services à l’agriculture en raison de l’énorme quantité d’insectes, de reptiles et de petits rongeurs qu’elle détruit. Toutefois nous sommes heureux de pouvoir ajouter que les notions positives à cet égard