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sauver de la ruine plus d’un hectare de champ. Cette prime ne représente pas 2 pour 100 de la valeur de la récolte. On a pourtant cherché à réduire les frais de ramassage des larves, et l’idée mise en pratique par M. Giot mérite d’être signalée : il fait transporter sur la terre fraîchement labourée des poulaillers roulans. Les vers blancs, les insectes et les menues graines parasites sont ainsi consommés sur place par les oiseaux de basse-cour. Ce procédé, dont la donnée première est fort ingénieuse, n’est pas facile à généraliser, et présente d’ailleurs quelques inconvéniens. Les œufs des poules nourries avec des larves ou des hannetons adultes contractent bientôt un goût désagréable et le conservent pendant toute la durée de la ponte sous l’influence de ce régime alimentaire.

Nous n’aurions pas traité complètement notre sujet, si nous ne disions quelques mots des auxiliaires naturels de l’homme dans sa guerre contre les hannetons. Plusieurs espèces d’oiseaux leur font une chasse très active, et seraient déjà certainement parvenus à les détruire tout à fait, si les progrès de la culture intensive n’avaient donné à la propagation de ce coléoptère des facilités inattendues. M. Florent-Prévost a beaucoup éclairé cette question de l’utilité des oiseaux en recherchant dans les estomacs d’un grand nombre d’entre eux et de quelques petits mammifères les restes à demi digérés des insectes dont ils se nourrissent. D’après lui, c’est l’engoulevent qui consomme le plus de hannetons adultes, puis viennent les geais, les mésanges, les pies, les pies-grièches, les étourneaux, les perdrix et quelques échassiers. Le hanneton sert aussi de nourriture à un grand nombre de petits chanteurs charmans que l’homme poursuit à outrance et qui lui rendraient, s’il montrait contre eux moins d’acharnement, d’inestimables services. Les rossignols, les fauvettes, les mésanges, les rouges-gorges, les hirondelles, aussi inoffensifs qu’ils sont jolis, sont d’intrépides destructeurs de larves et d’insectes adultes. Qui n’a remarqué l’empressement des bergeronnettes à venir se placer derrière la charrue, et la consommation de larves qu’elles font tout en sautillant gracieusement et balançant leur queue élégante ? Le loriot surtout est un chasseur de grand appétit ; il s’attaque même à certaines grosses chenilles velues, et les avale après en avoir soigneusement fait sortir les déjections en comprimant et lissant les barbes avec son bec. Les services du moineau franc sont moins appréciés ; il les fait payer trop cher. S’il préserve les vergers et les moissons des insectes, il les dévaste souvent pour son propre compte au point de faire regretter les ennemis qu’il a détruits. Quand on a le malheur de laisser ces oiseaux se multiplier sur un point donné, on dirait qu’ils se font conscience de n’y rien laisser. Les dîmes qu’ils lèvent sur les fruits et sur les graines dépassent de beaucoup les prélèvemens perçus au moyen âge par les