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1 kilogramme de naphtaline suffisait pour asphyxier en deux heures 100 kilogrammes de hannetons. Retirés du tonneau après ce temps, quelques-uns agitent encore les pattes, mais aucun ne revient à la vie. Comme la naphtaline coûte vingt fois moins cher que la benzine, qui avait aussi été employée à cet usage, elle doit sans doute la détrôner complètement.

Le même agronome a essayé de la naphtaline comme moyen préventif, afin d’écarter de ses champs les femelles en quête d’une terre meuble pour y déposer leurs œufs. Il a mélangé cette substance avec trois fois son poids de sable fin ou de terre sèche, et l’a répandue sur certaines cultures. Il employait de 400 à 500 kilogrammes de naphtaline par hectare. Une expérience préalable avait montré que dans ces proportions la naphtaline n’exerçait aucune action nuisible sur la végétation d’un pré non plus que sur celle d’un champ semé d’avoine et de luzerne. Cependant l’essai avait été fait dans les conditions les plus défavorables, car la campagne était à cette époque désolée par la sécheresse. Il faut attendre la saison prochaine afin de savoir si cette dissémination superficielle de naphtaline aura suffi pour écarter les hannetons des terres ainsi préparées. Ce n’est que dans quelques mois qu’on pourra s’assurer si elles contiennent ou non des larves nouvellement écloses. Il y a lieu de croire que ce moyen de préservation ne laisse pas d’être efficace. Toutefois il ne peut guère être considéré comme une solution. Il ne supprime pas le mal, il ne fait que le déplacer. Chassées d’un champ par le poison qu’on y aura répandu, les femelles iront s’abattre sur un sol plus propice au développement de leur progéniture. Il est vrai que les agriculteurs qui n’auraient pas pris de précautions ne tarderaient point à être frappés de la désastreuse préférence que les femelles de hanneton sur le point de pondre témoigneraient pour leurs propriétés. L’emploi de la naphtaline, si les bons effets en étaient une fois constatés, tendrait donc, par la force des choses, à se généraliser, à limiter d’une manière très sérieuse la propagation des coléoptères.

Une autre méthode très ingénieuse, et que l’inventeur, M. Eugène Robert, inspecteur des plantations de la ville de Paris, désigne sous la dénomination originale de piège à hannetons, semblerait pouvoir atteindre le mal à sa source, surtout dans les contrées où les cultures fourragères et les céréales alternent avec des forêts. Elle est fondée sur cette observation, que c’est dans les endroits plantés d’arbres que le hanneton adulte se plaît le mieux ; c’est donc aux environs des bois que la femelle doit chercher d’abord une terre ameublie pour y pondre. Partant de ce principe, M. Robert propose de cultiver et de fumer avec soin tout autour des forêts et des pépinières une bande de terrain de quelques mètres