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Divers végétaux herbacés de grande culture, céréales, colzas, légumineuses, manifestent à la même époque et pour la même cause des symptômes de dépérissement.

Parmi ceux qui ont étudié avec le plus de persévérance et de succès les mœurs de ces larves et qui ont proposé pour les détruire les méthodes les mieux conçues, nous devons citer d’abord M. Jules Reiset. Il a présenté à l’Académie des sciences, le 30 décembre 1867, un mémoire où sont élucidés bien des points importans et jusque-là obscurs touchant la vie souterraine de ces vers blancs. M. Reiset a procédé dans ses recherches avec beaucoup de méthode. Il a fait pratiquer dans ses champs chaque jour des fouilles régulières d’une profondeur déterminée. Il avait fait aussi installer en rase campagne un grand thermomètre à alcool dont la boule inférieure se trouvait à 50 centimètres de profondeur. Le zéro de la graduation de ce thermomètre affleurait le sol ; on pouvait donc lire sur la tige la température moyenne de la couche de terre qui sert d’habitat aux larves. Un autre thermomètre maintenu dans l’air ambiant permettait de comparer cette température à celle de l’atmosphère. La double observation était faite et notée chaque matin à huit heures ; on enregistrait en même temps le nombre et l’état des larves trouvées à différentes profondeurs dans les champs voisins. Quelques-uns de ces champs étaient en friche ; d’autres étaient emblavés de diverses cultures. Les chiffres obtenus de cette manière ont été rassemblés dans des tableaux synoptiques d’où l’on a pu déduire des résultats pratiques d’une grande valeur.

En Normandie (domaine d’Ecorchebœuf, Seine-Inférieure), l’insecte a employé trois années à parcourir les diverses phases de son évolution biologique. La ponte de 1865, — on se rappelle combien les hannetons furent nombreux cette année-là, — a donné des myriades de larves dont les rigueurs de l’hiver suivant ont peut-être diminué le nombre. Les survivantes n’en ont pas moins ravagé les récoltes de 1866. Pendant l’hiver de 1866-67, elles se tinrent à une profondeur de 40 centimètres. La température de cette couche demeura constamment supérieure à 0°, bien que le thermomètre comparatif placé dans l’air ait accusé plusieurs fois des froids de 15°. Il est vrai que la terre était recouverte d’une épaisse couche de neige qui empêchait la déperdition de la chaleur intérieure du sol. Les larves enfouies sous terre purent supporter, on le voit, sans en souffrir les gelées très fortes et assez persistantes qui durcissaient la surface des champs. C’est donc bien à tort que dans ces conditions on compte sur les gelées pour nous délivrer des hannetons. En mars et avril 1867, la charrue mit à découvert des vers blancs très développés, qui déjà étaient remontés près de la superficie.