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En même temps qu’il traitait ainsi le pape à Savone, Napoléon prenait d’autres mesures qui dévoilaient jusqu’à un certain point les projets qu’il formait alors pour l’avenir. Quels étaient ces projets, conçus dans un moment de si violente irritation ? On peut les supposer d’après certains passages de sa correspondance qui n’ont pas été soustraits cette fois à la connaissance du public. « …… Le pape, écrivait Napoléon le 3 janvier 1811 au vice-roi d’Italie, le pape joint à la plus humble conduite la plus grande hypocrisie…..[1]. » Le 5 du même mois, il ordonnait à son bibliothécaire, M. Barbier, de lui envoyer le plus tôt possible le résultat de ses recherches sur la question de savoir « s’il y avait des exemples d’empereurs qui aient suspendu ou déposé des papes[2]. » Afin de préparer les esprits à cette déposition éventuelle d’un pape, un livre venait de paraître à Paris avec ce titre : Essai sur la puissance temporelle des papes sur l’abus qu’ils ont fait de leur ministère et sur les guerres qu’ils ont déclarées aux souverains, spécialement à ceux qui avaient la prépondérance en Italie. Cet ouvrage, censé traduit de l’espagnol, était de M. Daunou, directeur des archives impériales, et c’était l’empereur qui le lui avait commandé.

Tels sont, d’après des documens dont l’authenticité est irrécusable, les événemens qui précédèrent de quelques mois seulement l’ouverture du concile national de 1811. Avant de raconter ce qui se passa dans cette grande assemblée ecclésiastique, il nous faut parler de la négociation préalablement entamée par l’empereur avec le pape. M. de Barral, archevêque de Tours, qui fit partie de la députation envoyée à Savone, a donné dans ses Fragmens relatifs à l’histoire ecclésiastique du dix-neuvième siècle un certain nombre de pièces qui ont rapport à cette négociation ; mais, soit qu’il ne l’ait pas connue, soit qu’il se crût intéressé à la dissimuler quelque peu, ce prélat n’a pas rapporté la vérité tout entière. Nous tâcherons dans notre prochain travail de suppléer à son silence.


D’HAUSSONVILLE.

  1. Lettre de l’empereur au vice-roi d’Italie, 3 janvier 1811. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXI, p. 351.
  2. Note pour le bibliothécaire de l’empereur, Paris, 5 janvier 1810. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXI, p. 351.