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sûr pour servir d’intermédiaire au clergé près du souverain pontife. Il avait, par un décret en date du 23 novembre 1810, chargé M. de Chabrol d’exercer ces fonctions[1].

Conformément aux instructions qu’il avait reçues de Paris, M. de Chabrol avait été à se faire livrer tous les documens et papiers qui se trouvaient entre les mains de l’évêque de Savone, et, redoublant de vigilance, il avait pris ses mesures pour qu’aucune demande, de quelque nature qu’elle fût, ne pût parvenir sous les yeux du saint-père avant d’avoir été enregistrée au bureau du secrétariat…[2]. » Sans trop vouloir s’engager, le préfet de Montenotte espérait bien ne rien laisser sortir désormais de Savone qui pût gêner les desseins de l’empereur[3]. Ces dispositions inattendues avaient d’abord un peu surpris et mécontenté Pie VII, puis avec sa douceur accoutumée il en avait pris son parti[4]. Il avait recommencé à faire de nouveau bon accueil au préfet de Montenotte. Il y a plus, les lettres de M. de Chabrol arrivées le plus récemment à Paris montraient le pape assez disposé à écouter les ouvertures que l’on pourrait lui faire. Or c’était dans un pareil moment, après qu’il avait si bien disposé toutes choses pour isoler absolument le saint-père, quand il l’avait déjà presque dompté, à la veille du jour où il croyait le tenir enfin à sa merci, qu’éclatait par la faute de l’abbé d’Astros ce déplorable esclandre de l’archevêché de Paris. Malheur à qui avait ainsi osé le braver ! Déjà quelques mois auparavant, il avait songé à se défaire par l’exil de ce prêtre incommode ; cette fois il n’en serait pas quitte à si bon marché.

On était proche du 1er janvier 1811. L’empereur recevait aux Tuileries à l’occasion du commencement de l’année tous les grands corps de l’état et les plus importans fonctionnaires de son empire. Le jour de cette imposante cérémonie lui parut propice pour la scène qu’il méditait. Après avoir, l’air altier et le front soucieux,

  1. Lettre de M. Bigot de Préameneu à l’empereur, et décret du 23 novembre 1810.
  2. Lettre de M. le baron de Chabrol au ministre des cultes, 8 décembre 1810.
  3. « … Cependant il se pourrait que les gens de la suite de sa sainteté, qui ont la faculté de sortir au dehors, et qui ont formé quelques relations, pussent se charger de recevoir et de transmettre au pape les demandes qui leur seraient remises en secret. Je ne puis opposer à cette infraction aux instructions qui me sont prescrites que des moyens de surveillance les plus sévères. Diverses personnes sûres dans le palais, et notamment M. le commandant de gendarmerie ainsi que les officiers qui sont sous ses ordres, se sont chargés de m’instruire de tout abus qui pourrait s’introduire sous ce rapport, et de l’empêcher par tous les moyens qui sont en leur pouvoir. Des agens extérieurs m’en préviendront de leur côté… » (Lettre de M. le préfet de Montenotte au ministre des cultes, 8 décembre 1810.)
  4. . « Après quelques jours d’émotion, sa sainteté a repris sa sérénité accoutumée. « (Lettre de M. le préfet de Montenotte au ministre des cultes, 27 décembre 1810.)