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contre les intentions manifestes du saint-père en conférant les pouvoirs de vicaire au cardinal Fesch, il se promit à lui-même de ne pas retomber dans cette erreur, et de n’user plus de la même complaisance envers le cardinal Maury. Dans l’assemblée du chapitre qui, sur l’invitation de M. Bigot de Préameneu, fut tenue à Notre-Dame, afin de confier au nouvel archevêque l’administration du diocèse de Paris, M. d’Astros vota contre cette proposition. Cependant tel était son désir de ne pas faire étalage de son opposition, qu’il consentit, comme président du chapitre, à siéger dans la commission chargée de faire part de sa nomination au cardinal Maury. Sa brève harangue témoignait d’ailleurs qu’il exprimait plutôt l’opinion d’autrui que la sienne, et cela lui suffit. « Il n’est personne, monseigneur, dit-il au cardinal, qui ne se rappelle en ce moment avec quelle éloquence et avec quel courage vous avez défendu dans le temps la cause de la religion et du clergé. » À ces paroles si fortes surtout par ce qu’elles sous-entendaient, Maury pâlit et parla de son attachement au saint-siège. « Je n’irai m’asseoir, dit-il, sur la chaire épiscopale de Paris qu’autant que le pape me prendra par la main pour, m’y faire monter[1]. »

Le cardinal Maury ne devait pas faire longtemps honneur à cet engagement. Non content de toucher les revenus officiels de sa nouvelle position et de porter le titre d’archevêque de Paris, il aspirait à en exercer les fonctions spirituelles sans attendre, comme il l’avait dit, que le saint-père l’eût pris par la main. Cependant l’abbé d’Astros le surveillait attentivement. Un jour dans une compagnie le cardinal avait dit en présentant M. d’Astros avec ses collègues : « Voici mes grands-vicaires. » — « Votre éminence se trompe, repartit M. d’Astros ; ce sont les grands-vicaires du chapitre et non les siens. » — Une fois, pendant une ordination, Maury, exigeant du timide ecclésiastique auquel il imposait les mains qu’il lui promît obéissance comme à son évoque titulaire, l’abbé d’Astros prit encore à haute voix la parole : « Monseigneur, permettez-moi, dit-il, de faire observer, pour l’instruction de ce jeune prêtre, que vous n’avez pas le droit de lui demander cette promesse. » Les jours de cérémonie, Maury aurait voulu faire porter devant lui à Notre-Dame la croix épiscopale, signe extérieur d’une juridiction qu’il ne possédait pas encore canoniquement ; l’abbé d’Astros ordonnait au porte-croix de rentrer dans la sacristie. Maury supportait en silence, mais avec une profonde amertume, tous ces affronts. C’étaient là, si l’on veut, de puériles querelles de cathédrale. Derrière l’abbé d’Astros, armé des simples pouvoirs d’un humble vicaire de

  1. Mémoire manuscrit de M. l’abbé d’Astros, cité dans la Vie du cardinal d’Astros, archevêque de Toulouse, par e R. P. Caussette, p. 175.