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délivrées dans Savone même à ces messagers fidèles par les gens de la maison de Pie VII ou par les rares visiteurs qui avaient réussi à tromper la vigilance du préfet de Montenotte. Dans les villes alors très catholiques de Toulouse et de Lyon, l’organisation des comités dont nous venons de parler avait été portée à un rare, degré de perfection. À Lyon surtout, on était parvenu à se tenir en relations presque réglées d’un côté avec le pape, de l’autre avec le cardinal di Pietro, qui de Semur, où il avait été transporté, continuait à exercer les pouvoirs de délégué apostolique que le pape lui avait confiés en quittant Rome, et qu’il lui avait depuis renouvelés[1].

Dans un rapport de police passablement violent et trivial, d’ailleurs fort perspicace, mais qu’il eut le malheur de remettre trop tard à l’empereur, le duc de Rovigo lui explique au long que ce cardinal avait toujours été le conseiller et le fauteur des mesures prises par le saint-père, qu’il communiquait avec le clergé de Paris par l’abbé Gregori et le père Fontaine, général des barnabites, et cet abbé Perreau dont nous avons parlé qui était l’ami du grand-vicaire, M. d’Astros. « Les supérieurs des collèges de Lyon, de l’Argentière, près de Montbrison, et de Montdidier, les dames de Monjoye. et de Soyecours, ainsi qu’un M. Bertrand du Coin, un fanatique, étaient également dans le complot. Leurs auxiliaires subalternes étaient les abbés Recourbet et d’Haulet, Franchet à Lyon, Pallavicini à Paris. Le sieur Alexis de Noailles, à la tête des confréries du saint dévouement, ne craignait pas, dit le duc de Rovigo, d’appeler dans ses lettres l’empereur un Julien l’Apostat[2]. »

Faut-il maintenant s’étonner beaucoup si, grâce à de tels moyens et malgré les efforts de la police impériale, qui ne découvrit rien qu’après coup, le saint-père soit parvenu à faire alors connaître au clergé de France et d’Italie les censures ecclésiastiques dont il frappa l’intrusion peu canonique des évêques récemment nommés aux sièges de Florence et de Paris ? Ce qui surprend véritablement, c’est la surprise même qu’éprouva l’empereur quand il apprit la divulgation des bulles signées à Savone. Ce qui surprend encore davantage ou plutôt ce qui attriste, ce sont les bruyans éclats de sa colère et les actes d’incroyable brutalité qui s’ensuivirent. Comment Napoléon, avec sa prodigieuse sagacité, avait-il pu s’imaginer un

  1. . « … Primo de terminare questa nostra lettera la previamo che continua encora quella fiducia con qui la reputammo delegato apostolico in Roma, onde negli eatremi bisogni non abbia alcun scrupulo di procurare per se e per altri suoi colleghi la salute spirituale dei fideli…. » Extrait d’une lettre du pape au cardinal di Pietro en date du 30 novembre 1810. (Cette lettre paraît avoir été trouvée parmi les papiers personnels du saint-père lorsqu’on crocheta son secrétaire à Savone pendant qu’il se promenait dans le petit jardin de l’évêché.)
  2. Rapport du duc de Rovigo, ministre de la police, à l’empereur, 1er février 1811.